Le cœur et l'âme en paix, tu nous as quittés.
Tu as laissé un vide immense, jamais comblé.
Tu avais une façon bien particulière de nous aimer.
Tu idolâtrais ta fille ainée, tu adorais ton fils
Tant qu'à moi, J'étais au milieu d'un trio anarchique
Je subissais, me taisais, en jouant à l'enfant invisible.
J'étais la fille que tu n'attendais pas
J'étais le petit canard boiteux, insignifiant, encombrant,
Qui arrachait un sourire lorsque de temps à autre
J'apportais un bulletin truffé des bonnes notes.

J'usais les vêtements de ma sœur ainée,
Le vieux vélo, le cartable recousu chaque année.
Le garçon avait droit à tous les honneurs,
Ainsi que l'ainée qui était belle comme un cœur.
J'ai grandi, m'enfermant dans une coquille,
Me recroquevillant avec mes rêves en toile de fond,
Et par l'écriture composant poèmes et chansons.

Les deux dernières années de ta vie
Nous ont rapprochées. Nous étions pudiques,
Réservés sur nos sentiments, peu expansifs,
De la famille, tu avais fait le vide,
Il n'y avait plus que moi qui te rendais visite.
Ton regard avait une flamme d'étonnement,
Avec quelques larmes de regrets amers.

Tu comprenais combien j'avais souffert
De cette indifférence sans jamais la contester.
J‘ai voulu maintes et maintes fois
Te dire combien je t'aimais.
Lorsque j'étais enfant Dieu seul sait
combien de fois j'essayais de m'approcher,
de grimper sur tes genoux pour être câlinée.

Aujourd'hui, je suis là, désespérée,
avec mon paquet de mots d'amour sur le carreau.
Tu dois sûrement monnayer ton arrivée au paradis.
Car tu sais très bien
Que rien ne sera facile pour amadouer
Comme tu sais si bien le faire, le Maître incontesté.

Je ne te demande pas grand chose,
Seulement de temps en temps de me faire signe
De m'écouter, de m'entendre.
Les derniers mois de ta vie
J'étais devenue ta "fille chérie"
Celle qui veillait, te soignait, t'embrassait.
Où que tu sois, je te souhaite la sérénité la paix,
Quelque part, là-bas, au Paradis des peintres oubliés.

Ta fille CRIS