Les pauvres,

Une ombre éthérée, furtive au pas feutré
Rase les murs noircis par le temps, il fait noir
Un coche passe au grand galop, le sol gelé
Craque sous le poids, il roule, vers le manoir.

Dans le galetas, la mère et ses trois enfants
Prêt de l'âtre fumant, attendent le retour
Du père. Enfin, il est là, l'humble manant
Qui doit enlever ses oripeaux, les doigts gourds.

Harassé, il s'écroule sur le banc, mangeant
Dans l'écuelle, un bien modeste brouet
De lard et de fèves, et au soleil couchant
Il va sans dire un mot, rejoindre la chambrée.

Il dort le vieux, assommé par un mauvais vin
Sur un coin de la table, cheveux en bataille
Chenu par le temps, le visage purpurin
Egrotant, replet, par des années de ripaille.

Elle, blanchie sous le harnois, près de son fourneau
A préparer le repas du midi, du soir
Ses mains sont usées, à écaler les cerneaux
De noix, on lit dans son regard le désarroi.

Et lui, le fils, ce grand benêt, à l'air idiot
Qui rigole comme un bossu, il est heureux
Ce simplet, quand il voit passer les étourneaux
Avec son rire narquois, il a l'air affreux.

L'ouvrier,

Travailleur de ton état, tu es bon manuel
Fier d'aller œuvrer et accomplir ta tâche
En retour, toucher un salaire mensuel
Et la prime, là, tu te lisses la moustache.

Tu aimes ta femme et surtout tes trois enfants
Ils sont tout pour toi, tu ne comptes pas tes heures
Bosser pour un patron, ce n'est pas triomphant
Mais au moins tu as un boulot, t'es pas chômeur.

Tu pars tôt le matin, ton pas est lourd, pressé
Faut pas de retard, sinon tu es à l'amende
Payé au rendement, tu ne peux baisser
La cadence, il faut respecter les commandes.

Le soir, tu quittes d'un pas las et fatigué
Ton atelier, tout le jour, tu as sué
A fabriquer des pièces, ce n'est pas gai
Ton boulot, mais au fond, tu es habitué.

Avant de rentrer chez toi, tu vois les copains
Au café du coin, à boire ton coup, heureux
A taper le carton, tu n'es pas un rupin
Pour tes amis, tu es un pote chaleureux !

Retour à la maison, tu t'assis près du feu
A réchauffer tes mains, attendant le repas
Ton épouse a préparé un bon pot-au-feu
Et tes gamins te disent bonne nuit Papa !

L'usine,

Cheminées crevant l'épaisse voûte des nuages gris
Les murs de brique ont sur la peau, la couleur noire
De la misère, des mains fébriles tracent graffitis
Et slogans syndicaux, telles des voleuses chaque soir.

L'usine avale la multitude des travailleurs
Dans son ventre, le bruit des machines tonne dans la nuit
La cadence infernale sue et transpire l'odeur
Des heures de fatigue et les plaintes meurent sous la pluie.

Elle ouvre sa gueule béante au jour qui s'est levé
Evacuant son urine d'hommes sur les pavés
Ils retournent la tête basse, les épaules enfoncées
Dans leur détresse s'égaillant dans leur triste cité.

Écrit par CRO-MAGNON
Être doué en quelque chose, le talent se travaille mais le génie n'a aucune règle apprise et impose son style.
Catégorie : Amitié
Publié le 18/01/2018
Ce texte est la propriété de son auteur. Vous n'avez en aucun cas le droit de le reproduire ou de l'utiliser de quelque manière que ce soit sans un accord écrit préalable de son auteur.
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Commentaires
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Posté le 18/01/2018 à 07:13:45
c'est du zola à l'état pur félicitations olivier j aime beaucoup!!!
romantique
Posté le 18/01/2018 à 16:14:58
Il y a du vrai mais pour ce qui est de l'amour avec sa femme et ses enfants et pour les copains un pote chaleureux là j'en veux une preuve concrète que je n'ai jamais eu.
eric
Posté le 18/01/2018 à 18:49:55
On retrouve toute la terrible ambiance d'un Germinal, la pluie, les hommes, les crassiers, la misère, l'espoir parfois. Une très belle lecture en tout cas.
eliosir
Posté le 18/01/2018 à 19:27:46
Terribles tableaux de la condition humaine, hélàs, loin d'être dépassée, Zola, Marx, Vallée, toujours présents ici ou ailleurs!
banniange-deleted
Posté le 18/01/2018 à 20:10:20
Un peu Zola oui, merci Sylvain
CRO-MAGNON
Posté le 18/01/2018 à 20:11:24
Merci Eric, pour les copains un pote chaleureux est souvent celui qui paie un coup !
CRO-MAGNON
Posté le 18/01/2018 à 20:13:04
Merci ELIOSIR il y a du Germinal donc du ZOLA, la misère n'est pas uniquement que dans le Nord.
CRO-MAGNON
Posté le 18/01/2018 à 20:14:52
Merci Banniange, les tableaux de la misère humaine sont et seront toujours d'actualité
CRO-MAGNON
Posté le 18/01/2018 à 22:24:20
Même si le titre parle de lui-même en ce monde actuel, ta série de poèmes a la classe ! Merci Cro.
suane
Posté le 18/01/2018 à 22:33:19
Merci Suane
CRO-MAGNON
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19/04 08:58Sarahg
Ok.
19/04 08:56Plume borgne
J'ai pas dit le contraire
19/04 08:52Sarahg
Non, les destins peuvent être merveilleux.
19/04 08:50Plume borgne
Tout se résume au livre ivre d'une vie de givre
19/04 08:00Sarahg
Remarque, un livre où tout est déjà accompli, ce serait pas mal.
19/04 07:45Sarahg
Ce serait un livre douloureux. Un livre a besoin d'une histoire, de vie.
19/04 06:43Plume borgne
Imagine un livre d'une page dont le titre serait livre dans lequel il n'y aurait que le mot livre en préface en histoire et en résumé
17/04 07:42Sarahg
"C'est pas marqué dans les livres que l'plus important à vivre est de vivre au jour le jour, le temps c'est de l'amour..."
17/04 07:25Plume borgne
Les décisions sont un fléaux
17/04 06:51Sarahg
Indécis et ancré à la terre du destin.
17/04 05:00Plume borgne
Essaye d'imaginer quelque chose en étant le plus indécis possible
17/04 02:47Sarahg
Imagine qu'il n'y ait jamais de tristesse indicible
16/04 08:28Plume borgne
Imagine qu'on parvienne à tuer l'ennui
15/04 10:58I-ko
imagine qu'il n'y a rien à tuer ou à mourir
15/04 05:16Plume borgne
Pourquoi ne pas imaginer l'imagination ?
14/04 04:41Bleuet_pensif
Si seulement cette imagination était réelle...
14/04 04:31I-ko
imagine tous les gens vivre leur vie en paix
12/04 07:39Ocelia
Imagine les gens vivant pour maintenant, imagine si le paradis était un mensonge. Lennon
11/04 04:10Sarahg
À méditer pour vous en ce jeudi.
11/04 04:09Sarahg
"La folie est un don de Dieu". Jim Fergus

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