Mon amour, mon aimée

Mon amour, mon aimée, je t'écris cette lettre
Le temps est gris, il pleut depuis tôt ce matin
Et un froid glacial engourdi tout mon être
Sans pouvoir te voir, mon moral est atteint.

Je reste à mon poste à surveiller l'ennemi
D'en face, mais il peut surgir à tout moment
Prêt à tuer un gars qui n'est pas mon ami
Car je le sais, la guerre n'est pas un roman.

Mon amour, mon aimée, si je meurs aujourd'hui
Tu mettras dans ma tombe, mes fleurs préférées
Un joli bouquet rouge, ainsi que quelques fruits
Des livres de qualité, ceux que je dévorais.

Je ne la crains pas, je n'ai pas peur de la mort
Elle peut venir un soir au détour d'un chemin
M'annoncer la fin, ainsi prévenu du sort
Réservé, mon sang n'a pas l'odeur de jasmin.

Mon amour, mon aimée, pour la folie des hommes
Tu seras surement veuve, je ne serais plus
Tu regarderas les photos de notre album
En pensant à nous, à ce bonheur révolu.

Si mon corps ne doit pas pourrir au fond d'un trou
Et que je revienne atrocement blessé
La gueule cassée, aurais-tu un vrai dégoût
A me voir ainsi, tu ne pourras l'encaisser.

L'aube se lève sur le champ de bataille
J'ai une forte douleur venant de l'estomac
L'envie de vomir mes tripes, de vider ma peur
Car ce soir, je ne verrais pas le soleil se coucher.

Dans deux heures, sur le coup de sifflet de l'officier
Je vais sortir de la tranchée, baïonnette au canon
Galvanisé par la haine, il faut casser du boche
Ces salauds qui ont envahi mon pauvre pays.

Encore un peu de temps, regard sur des photos jaunies
Et sur des lettres froissées, un moment de nostalgie
De ces doux souvenirs du passé, de ces moments heureux
Mon esprit s'embrume, je dois réagir, ce n'est pas le lieu.

Mon capitaine regarde fébrilement sa montre
Compte les minutes et soudain il arme son révolver
Le son perce le silence de la nuit, c'est le départ
Vers l'abîme, la montée vers l'enfer, de fer et de feu.

Je sors de mon trou, comme les autres soldats
Les mitrailleuses crachent leur fiel de projectiles
Un camarade tombe, une balle en pleine tête
Sa cervelle se répand sur mon uniforme.

Les canons se mettent à tonner, les obus à tomber
Autour de nous, un éclat arrache le visage d'un copain
Il hurle de douleur, le sang pisse à longs flots
Je dois continuer, je ne peux m'arrêter.

Nous arrivons au niveau d'un rideau de barbelés
L'ennemi continue à tirer, à faucher les jeunes gens
L'un d'eux est accroché aux fils de métal
Il a les entrailles qui lui sortent du ventre.

Vingt minutes de fin du monde, de durs, d'âpres combats
La moitié de la troupe est décimée, morte ou blessée
Et voilà enfin l'ennemi, je le vois comme il me voit
Nous sautons dans la tranchée, pour le tuer.

Face à face, homme à homme, corps à corps
Nous nous battons à coups de poignard ou de pelle
J'enfonce ma lame dans le cœur d'un allemand
Je sens sa vie partir, il est crevé l'ordure !

A chaque inspiration, une douleur colossale
Je ne comprends pas bien, j'ai mal, oui, j'ai très mal
Ma poitrine est en feu, je cherche à respirer
Tiens ! Je baigne dans l'eau, que m'est-il arrivé ?

J'entends autour de moi, un énorme fracas
L'eau est froide, je grelotte et mes yeux ne voient pas
Ils sont pourtant ouverts, je suis dans un nuage
Cà craque de partout, c'est un énorme orage.

Je crois m'être endormi, je suis ankylosé
Il n'y a plus de bruit, l'orage s'est calmé
Englué dans la boue, je ne peux pas bouger
Je sens battre mon pouls, ma tête va éclater.

Enfin ! Je vois, je vois ! Je suis dans la tranchée
Voilà je me souviens de ce qui s'est passé
Mon camarade et moi, on nous a mitraillés
Un franc-tireur allemand, dans un arbre, caché.

Mon camarade est mort, allongé contre moi
Je ne veux pas mourir, mon dieu protégez-moi !
Je me prends de panique et je voudrais crier
Ma voix reste muette, je me mets à pleurer.

Je pense à ma Marie qui m'attend au pays
La reverrais-je un jour ? La guerre est une folie !
Bien seule à la maison, depuis trois longues années
Mes souvenirs défilent, nous nous sommes tant aimés.

J'entends parler là-bas, ce sont des brancardiers
Ils s'approchent, je crois et je m'entends crier
Enfin ! Ils nous ont vus, ils ne vont pas partir
Venez à mon secours, je ne veux pas mourir !

Chaque nuit, de nouveau l'éternel cauchemar
J'ai mal ! Si je pouvais, ne plus me souvenir
Je pourrais m'endormir et larguer les amarres
Evacuer de l'esprit, ces maux à bannir !

Je revis, je revois, je ressens et je meurs
D'incessants tourments qui rongent les fondements
De mes pensées, des humeurs, rumeurs et clameurs
Carnaval de douleur, à crier d'hurlements !

Au matin, sur la peau, des sueurs de métal
Dans la bouche, le goût amer, du temps passé
A combattre dans les tranchées, un jeu brutal
La mort autour de moi, la peur de trépasser !

Le feu des enfers, le fer brûlant de l'obus
Eclatant, déchirant les chairs, mettant à nu
Nos ancestrales torpeurs, toujours à l'affût
Epiant l'ennemi, attendant sa venue.

Comment survivre, avoir vécu tant d'horreurs
Rester indemne, je ne peux plus supporter
Les réminiscences des combats, les frayeurs
Des soldats à l'assaut, les corps déchiquetés !

Je porte les cendres de la guerre, relique
D'un voyage vers l'abîme, vers le néant
Où l'homme n'est plus humain, arme métallique
Au service de la folie de mécréants !

Il pleut des balles d'enfer, un crachat de mitraille
Le temps est lourd, pesant, du fer dans les entrailles
Je meurs et j'en ris ! A m'en faire mal ! Ciel bleu
Un beau jour de guerre, pour périr sous le feu !

Ils étaient fiers, ces grands et beaux bataillons
Marchant du même pas, à creuser des sillons
L'ennemi ancestral, incarnait tout le mal
Comme lui, on retrouvait, l'instinct animal !

Terrés dans des trous de rat, parmi les charognes
TUEZ ! TUEZ ! S'entretuer, sale besogne
Pourquoi ? Pourquoi ? Je vois la mort autour de moi
Ces corps meurtris, tout ce sang versé, pourquoi ?

Suis-je né pour cela, c'était ça mon destin
A porter un fusil, marcher vers le chemin
Qui me mène au tombeau, sauver la patrie
Au prix de ma vie, quel mépris, quelle ironie !

Entendez-vous, résonner le son du clairon
Annonçant la fin des combats, sur le perron
De mairie, énoncer le nom des combattants
Victoires, faits d'armes et leurs exploits éclatants !

Et dans les villages de France se dressent
Près des vieux marchés, la stèle vengeresse
Où sont inscrits les patronymes des héros
Honneurs aux morts, à tous ceux tombés sans un mot !

Écrit par CRO-MAGNON
Être doué en quelque chose, le talent se travaille mais le génie n'a aucune règle apprise et impose son style.
Catégorie : Amitié
Publié le 05/09/2021
Ce texte est la propriété de son auteur. Vous n'avez en aucun cas le droit de le reproduire ou de l'utiliser de quelque manière que ce soit sans un accord écrit préalable de son auteur.
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Commentaires
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Posté le 05/09/2021 à 13:18:46
Quelle belle lettre qui aurait pu être écrite sur le front !!!
Sauf pour les 2 dernières strophes... qui appellent au devoir de mémoire...
BRAVO !
Lucyline
Posté le 05/09/2021 à 23:47:00
Bonsoir,

Quand bien même je connais ce Texte, je frémis à chaque Lecture !!

Ayant Pensées à ces Hommes qui , dans cette Boucherie, pensaient à Celles et Ceux qu'ils ne reverraient point ..

Tes Mots t'emportent - qu'importe ton sujet - ! :)
Amitié,

FleuR-LyS ..
Lys-Clea
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