Brûlez passions ! Amours : déchirez, tourmentez !
Ô gouffres! Ô brasiers ! Tornades délirantes !
Mais ce soir, restez loin, furieuses déités;
Je choisis cette fois une plus douce amante.
Car l'âme sait se plaire hors de vos ouragans
Lorsqu'elle s'étend nue, toute offerte à l'Ennui,
Sans aucun autre but que flâner en voguant
Sur des lacs indolents dont l'onde calme luit.
Oh,
Paresser…
Mais vous dites Monsieur ? Travailler forge l'âme ?
Oh, quelle belle image ! Et quelle âme bien sûr
Qui, battue au marteau, ploie. Oh la brave lame !
Mais pensez-vous que rien n'est bon sans être dur ?
Et ne savez-vous voir sourire la vertu
Qu'aux lèvres boursouflées des plaies de vos martyres ?
Gardez votre mérite ! En m'allongeant, têtu,
Je vous dis "peinez donc, mais laissez-moi dormir."
Oui, souffrez bons soldats, puisque l'on vous a dit
Qu'un Homme se mesure à l'auge de sa peine.
Et quant à vos marteaux, vieux forgerons maudits,
Plus d'un se sont brisés sur ma langueur sereine.
Oh
Paresser,
Et…
Penser.
Dans la douce langueur, loin de la dure étude
Loin des forges de feu, au creux du songe frais,
Loin des chemins en rond creusés par l'habitude
Mais dans les sentiers clairs et sinueux du Vrai :
C'est là que mon esprit se peut épanouir.
L'infinie Liberté, pensant sans but ni rime
Relie la terre aux cieux par un pont en soupirs
Et tantôt flotte aux nues, tantôt plonge en l'abîme.
Car c'est en paressant que l'Homme se connaît.
Il descend en lui-même, loin de la multitude;
Les Heures sans collier, libres, désordonnées,
Le prenant par la main, guident sa solitude.
C'est alors qu'en sortant d'un chemin plein de brume
Que n'aurait jamais pris un promeneur sensé,
Il distingue au milieu d'un lourd brouillard qui fume
Un rayon éclatant, comme un éclair lancé
Du chaos primitif dont les univers naissent.
Ce qui flamboie ainsi, c'est une Idée Nouvelle,
Née dans ses profondeurs, trouvée dans sa paresse,
Miracle créateur qui ne doit rien au ciel !
Oh,
Paresser…
De quelque épée l'Histoire est toujours lacérée
Et de bataille en guerre, et de flèche en ogive,
Le long tapis de chair de l'Humain déchiré
Se donne en marque-page à nos sombres archives.
Mais il est un combat infiniment ancien
Qui déteste les cris et que la mort écœure :
La paresse affrontant le monstre Quotidien
Qui vomit, monotone, deux cent ordres à l'heure.
Tel Hercule insolent qui étrangle en bâillant
Deux serpents affolés dans ses doigts nonchalants,
Le flâneur emmêlé dans ses rêves conscients
Broie sous sa léthargie le dictateur hurlant.
Oh,
Paresser
Et…
Rêver.
On sent… un souffle vague enfler infiniment.
Lors, ne pouvant tenir tout l'infini du rêve
Qui l'emplit un peu plus à chaque bâillement,
Le corps lâche l'esprit qui doucement s'élève
Aux sommets rayonnants du firmament glacé,
Dans le séjour de tout ce qui est éternel.
Une blanche nuée, de lumière tressée
Offre à l'âme un manteau de frissons irréels.
Et puis en s'étirant, vaste serpent des nues,
Et puis en s'envolant, il vous emmène voir,
Lacs, volcans, pics, forêts, royaumes inconnus
Qu'il dépasse en glissant sur un rayon du soir.
Il s'arrête sans hâte et admire des cieux
Une banquise énorme et constellée des traces
Que laissent des renards dans leurs jeux facétieux.
Les observant de loin, un lion blanc se délasse;
Seul, la tête perdue dans sa crinière immense,
Il pense. Et son repos, majestueux, auguste,
Est à peine troublé quand la glace en silence
Se découpe et libère un iceberg robuste.
Emporté sur ce bloc, le lion paisible baille
Et voit sur son glacier tomber un rai de lune
Qui le sertit d'éclats, qui le sculpte et le taille.
Si bien que le grand fauve, hors des feux de la brune
Emerge, trônant sur un Drakkar de cristal
Qui traverse les nues et que la brume enlève.
Pour capitaine un lion, l'aurore pour chenal
Et pour destination : les palais bleus du Rêve.
Oh…
Pa
res...
… ser …
Écrit par Coccinelleamoustaches
Quoi ? Devise obligatoire ? On me force à me résumer en une phrase ? Il ne sera pas dit que je céderai devant la tyrannie. La noblesse de l'acte de résistance est un peu entachée par ma flemme de chercher, mais tant pis
Catégorie : Divers
Publié le 25/06/2016
|
Poème Précédent | Poème Suivant |
Divers à découvrir... | Poèmes de Coccinelleamoustaches au hasard |
Annonces Google |
Très beau texte les gitans sont pour ce genre de vie. | |
eric |
Quel métier d'orfèvre ! | |
jacou |
Du grand art ! | |
scyles |
Sacré boulot tout de même pour une revendication de la paresse... Et pourtant, s'ennuyer est souvent le meilleur moyen pour attirer la Muse. | |
scyles |
Bonsoir Coccinelleàmoustache, De la belle poésie ! Bonne nuit ! Mes amitiés Sybilla |
|
Sybilla |