Cher M. Singh,

Les fleurs ont fané depuis deux jours
Votre lettre est toujours scellée
« J'ai beaucoup de temps en amour »
Comme un poète zen l'aurait souligné

Le poêle ne sert à rien en cette chaleur
Mais comme un brasero triste je l'observe
En me rappelant la douceur et la lenteur
Des flocons de neige pendant la saison brève

L'hiver en effet s'écoule en un éclair
La saison de taisho (les grandes chaleurs)
S'éternise sur notre peau qui se préserve
Des coups de soleil et de l'étrange torpeur

Je vous en dirai beaucoup, usant de kenjōgo,
(langage de modestie), à propos de ces jours
Mais vous n'aurez rien, sur ce petit mot
« koi » (amour imminent), d'une plume de velours

Aurez-vous en souvenance de Basho ces vers ?
La fraîcheur -
J'en fais ma demeure
Et m'assoupis.

Comprenez toute ma pudeur et mon respect
C'est ainsi que je vous déclare des sentiments
Qui ne volent pas comme un papillon damné
Mais sauront grandir et embellir avec le temps

Le long de la rivière
Je n'ai vu aucun pont -
Ce jour est sans fin. (Masaoka Shiki)

Je pense à vous dans cette vie éphémère
Et pourtant sans limites de vues
Peut-être vais-je décacheter votre lettre
Mais j'ai bien peur de son contenu.

Tomomi.