Nous sommes trois dans mon corps
Bien sûr il y a moi, meurtrie
Et puis la très vieille dame respectable
Intelligente comme un bout de chemin solide
Un peu emmitouflée dans l'ensemble de sa vie et les lainages
Et puis il y a le fauteuil d'acier
Cet autre entité, juste un peu plus coincée
Solide comme un handicap lourd

La belle dame aux rides me dit des choses simples
« Si tu as froid, met ton gilet »
« Si tu as mal, raisonne-toi avant le pansement »
Elle m'apprend l'existence et patiente
Elle n'a plus que ça et la bienveillance
Tandis que l'autre qui peine à rouler, les bras en charpie
Me gronde de sa colère d'injustice
« Marche bon sang ! » Me dit-elle

J'ai peur qu'elles me ressemblent
Puisqu'elles sont moi, je sais ce qu'elles savent
Je pourrais tenir les rênes avec leurs mains
« N'aies pas froid, avance »
Mes blessures sont gelées par endroit
Elles ne veulent pas entendre
Pas au-delà de ce qui se subit avec aplomb
Ni amies, ni famille, juste moi dans leur presque amour

Impossible de retourner ce sentiment contre soi-même
Je vois tricoter la presque morte résolument sereine
Et bondir de son fauteuil l'acier trempé d'énergie
Je sais ce que j'ignore en actes
Et fuis dans l'océan d'orages qui m'a vu naître
Leurs deux voix dans mes tympans
Qui répandent à mes questions honnêtes
Des lumières un peu cristallisées

Un tridimensionnel qui danse macabre
Dans mon corps détourné devant le monde
L'une au bout de ma route déroulée
L'autre à portée d'un précipice accidentel
Elles demeurent quand je me cogne la tête
Gentille ou rebelle présence moralisatrice
Dans mon bocal d'éléments divers
Trois reste un chiffre en guerre dans mon corps