C'est un gros meuble en bois qu'on appelait bureau
Qui s'ouvrait, s'ouvre encore dans un bruit de bouleau
Qui dégage une odeur de mémoire dorée
Et qui parle tout bas, comme l'ermite des forêts

C'est un gros secrétaire aux lourds tiroirs massifs
Qui renferme l'hier et l'avant-hier poussifs
Des agendas de poche aux bulletins scolaires
Il conserve les traces de nos lointains hivers

Dans mon ancien chez-moi, il trônait au salon
Silencieux roitelet, près du bruyant piano
Le piano est parti, le bureau a dit non
Ne me sacrifiez pas, faites-moi ce cadeau

Aujourd'hui, le vieux meuble se repose dans ma chambre
Jamais il ne frémit, encore moins il ne tremble
Pourtant, que d'émotion sous ce bois hiératique
Que de malice cachée sous l'écorce pudique

Comme ce mastodonte doit parfois se gausser
En lisant les papiers que l'on y a glissés
Ces lettres de famille sur fin papier bleuté
Ces charmants belgicismes, cette écriture feutrée

Photos polaroïds aux couleurs déjà mortes
Ou notes griffonnées que notre oubli emporte
Souvenirs de vacances, pâles récépissés
Vestiges historiques d'un passé dépassé
Merci, cher secrétaire, d'être le doux gardien
De ce grand presque tout formé de presque rien