Tu es une forteresse imprenable.
Fière, indomptable, majestueuse…
Mais qui a envie d'embrasser une forteresse ?

À quoi te servent tes faims, tes envies
et ce désir vital d'amour, de caresses,
d'étreintes charnelles, de tendresse
qui te monte du ventre ?

Tes murs trop hauts, trop solides,
découragent les conquérants
qui t'auraient, sans doutes, donnés
Leur royaume et leur vie
si tu leur avais baissé le pont-levis.

Depuis une antique trahison,
forfait d'homme barbare
qui incendia de l'intérieur
ton si beau château,
tu vis sous ton propre siège.

Sœur Anne, sœur Anne
ne vois-tu rien venir ?

Non... tu ne vois rien…
Sauf ta douleur qui flamboie
et ton cœur qui aboie.

Combien de Hérault s'y sont fracassés ?
Combien de chevaliers empanachés
tombèrent aux douves, sans un regard ?
Tant d'hommes se disloquèrent
au contact de ta froide distance.

Sœur Anne, je ne suis pas là
en délégation diplomatique.
Si j'ai fait la route
c'est pour prendre ton cœur
et te laisser prendre le mien.

Et si tu crois valoir la peine
de tant d'assauts de séduction
sur tes murailles
de tristesse et de méfiance,
c'est que tu n'as pas compris
que ton seul réel ennemi
c'est le temps qui passe
et que tu présumes de la patience
des éventuels candidats.

Sœur Anne, sœur Anne… tu t'enterres.

Sœur Anne quitte ta forteresse,
redeviens cette femme accessible,
simple, inventive, colorée,
belle parce qu'enfin tu auras
laissée derrière toi ton refuge
de pierre pour la mobilité
des fées et des ondines.

Belle, par ce que tu arboreras
ce sourire de plénitude.

Apanage de celles et ceux
qui à jamais vivent
le cœur heureux,
les pieds dans la terre et l'eau,
et la tête dans les étoiles.