sur que la mariée était belle
robe blanche cousue de dentelles
yeux fardés couleur océan
ne manquait que le prince charmant

Assise par terre sur le parvis
de la chapelle vide et sans vie
elle compte le temps qui s'amoncelle
les secondes coulent sur son rimmel

A chaque volute de fumée
une larme emprunte sa joue mouillée
un sourire décore ses lèvres
quand son âme est prise par la fièvre

Le philtre de joie est roulé
dès lors la fête peut commencer
quelques instants pour décoller
elle vole le ciel à ses regrets

Dans les brumes de la gandja
elle se fond et s'enfuit déjà
brefs répits, moments d'abandon
la douleur brûle comme le charbon

Parfois une braise couleur or
se détache telle un météore
pour venir mourir épuisée
sur le voile de la mariée

Et c'est la noce qui bat son plein
elle tourne tourne, ivre, enfin
pour quelques quidams intrigués
le spectacle peut commencer

Elle s'imagine en fille de l'air
perdue dans d'autres hémisphères
voyage de noce sous les tropiques
sa mémoire joue les amnésiques

Elle veut tant oublier son nom
tout faire pour oublier ce "non"
tombé soudain comme un couperet
une flèche dans son coeur de poupée

Puis elle s'effondre sur le sol
les yeux gonflés, la tête folle
se couche sur le pavé mouillé
ce soir rien ne peut l'apaiser

Elle voudrait mourir, s'en aller
quitter ce monde, renoncer
fuir l'oeil des passants amusés
par ce spectacle si singulier

Mais rien n'y fait elle reste là
anesthésiée, morte au combat
ce joli coeur de quartier
c'est sa vie qu'il lui a volé

Sur que la mariée était belle
dans ses rêves de demoiselle
sur les catalogues d'antan
le prince était vraiment charmant

Que reste-t-il de tout celà ?
un mégot consumé déjà
de la fumée qui monte aux cieux
des ruisseaux qui coulent des yeux

Une enfant au regard perdu
pas épouse presque fille des rues
une robe mitée aux étincelles
dernier rempart de l'ex pucelle.