Un petit jour frileux se lève
dans le silence ouaté
d'une brume laiteuse et dense
où le matin nouveau frissonne
sur les pentes de la montagne
encore engourdie de sommeil.
Sur les prés saisis par le froid,
le givre déposé en voile blanc
pendant la longue et obscure nuit
augure de la rudesse à venir
de cet hiver à ses prémices.
Les cheminées des chalets
d'un hameau resserré
le long d'un chemin étroit
exhalent la fumée des feux de bois
brûlant déjà hauts et clairs
dans les âtres de pierre.
A l'intérieur d'une des habitations,
pendant que la mère s'active
à faire lever les petiots,
le père, assis à la table familiale, (*)
est occupé à manger une écuelle
de soupe épaisse et bien chaude,
accompagnée d'un morceau de fromage
et d'une large tranche de pain.
Une fois rassasié de ce plat consistant,
il chaussera ses gros godiots de cuir, (**)
enfilera sa veste fourrée et son bonnet,
mettra son écharpe et ses gants tricotés,
posera un baiser de tendresse bourrue
sur le front pâle de sa femme
puis sortira dans l'air glacial.
Il passera d'abord à la remise
pour prendre sa hachette et sa serpette,
avant de partir dans la forêt
située en amont des maisons.
Marchant d'une foulée rapide et franche,
il s'en ira faire provende de petit bois
avant que la neige ne se mette à tomber,
pour avoir de quoi allumer le feu
tant que durera l'hiver.
Car quand elle sera trop abondante,
lui et tous les autres habitants
seront, par la force des éléments,
cloîtrés chez eux pour des semaines.
§§§§§§
Note:
Poème inspiré par mes lectures sur la vie au début du 20ème siècle dans les montagnes et particulièrement dans le Haut-Jura (région à proximité de laquelle j'ai passé mon enfance).
(*) Le père, la mère, c'est ainsi qu'on désignait ses parents à l'époque dans le Jura. Et les parents disaient "les petiots" pour parler des enfants. Ces appellations n'avaient absolument rien de péjoratif et étaient au contraire pleines d'affection et de respect.
(**) Le mot "godiots" désigne des grosses chaussures en cuir épais, du style de nos chaussures de marche ou de sécurité à l'heure actuelle.
Écrit par Matriochka
Côté ombre plume sombre, côté lumière plume claire.
Catégorie : Histoire
Publié le 24/11/2020
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sublime! un univers feutré d'hiver décrit avec tes mots sensibles !il me semblait vivre au coeur de tes contextes chaleureux et saisissants...j'aime cette façon que tu as de retracer d'une plume fidéle !en favori! félicitations !bonne soirée ! prends soin de toi! amitiés automnales:) |
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romantique |
oui ça me rappelle les pauvres gens de Hugo la cabane est pauvre mais bien close et aussi ma vie d'enfant ces vies dures et naturelles à la campagne maintenant c'est encore vrai dans ces endroits tandis qu'ici tu marches dans la rue et ça fonctionne tout est fermé cité dortoir beau poème |
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justine |
Bonsoir, Favori ! Et ton Poème est une Tranche de Vie de Montagne, belle à lire .. la Rudesse de cette Vie se ressent si bien sous tes Mots .. ainsi que ce Baiser froid du Dehors et la Beauté du Manteau neigeux ! Le "Père", la "Mère" , ça se dit encore en Campagne .. j'en connais qui disent le " Vieux ", la Vieille" .. et des enfants, il se dit aussi : les Drôles ou les Gamins .. chaque Région a sa propre Appellation .. Clin d'Œil : être cloitré , l'Hiver, ces pauvres Ames connaissaient et s'y faisaient bien .. Plus l'Etre va vers le Confort de Haut Degré, plus il va râler pour juste quelques semaines .. Amitié *** Merci de ton Partage ! LyS .. |
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Lys-Clea |
Très belle histoire poétique. J'ai voyagé dans le temps avec plaisir, merci Matriochka | |
Asté |
Une belle histoire hivernale poétiquement racontée | |
fee-de-ble |
Un grand merci à vous pour vos impressions et réactions sur ce poème. Syvlain, merci pour ton appréciation et ce nouveau favori :-) Justine, merci pour le partage de tes souvenirs, oui la vie était rude autrefois à la campagne et à la montagne, et n'avait rien à voir avec la vie citadine que nous connaissons maintenant Lysée, merci pour ce nouveau favori. Tu as tout à fait saisi le clin d'oeil à la fin de ce poème, il n'est pas là par hasard ;-) Dans le Jura aussi, on désignait les anciens par ces mots "le vieux" ou "la vieille" sans que ce soit ressenti comme péjoratif, mais au contraire plein de respect. Il y a des appellations qui diffèrent selon les régions et d'autres qui se retrouvent :-) Asteroidea, merci pour ton impression, je suis heureuse de lire que tu aies apprécié ce voyage temporel, car j'aime raconter des histoires par le biais de mes poèmes Fee de ble, merci pour cette appréciation. Au plaisir de lire vos poèmes partagés ici, tout amicalement :-) |
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Matriochka |
En lisant ces vers au phrasé souple qui coule comme une source et s'enchaîne un peu comme les minutes lors d'une chute de neige, j'ai fait un double voyage :) Le premier était en ces montagnes du Jura, que tu m'a fait connaître et que j'aime beaucoup. La forêt y est présente, non seulement d'une façon visible, dans le paysage, mais aussi dans l'âme de ces lieux. Le second était voici quelques décennies, lorsque j'étais enfant et que ma famille vivait sobrement, des fruits de la terre. Cela sentait le feu de bois, la soupe de légumes, et le matin il fallait se hâter de sortir de la chaleur des draps et filer à la cuisine, seule pièce chauffée jusqu'à mes quinze ans. Ton poème rappelle ce que raconte notamment Bernard Clavel dans ses romans "de terroir". Il sonne vrai et franc. Il touche juste :) J'aime bien le discret clin d'oeil à notre drôle d'époque, le fait de vivre "cloîtré" pendant des mois paraissant évident aux gens des époques passées dans les pays de montagne, alors qu'aujourd'hui beaucoup prennent cette nécessité temporaire imposée par le covid comme une privation de liberté. Il nous serait profitable de méditer sur le sens des échanges "en direct" et la valeur de la solitude ...;) |
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Ombrefeuille |
Merci vivement à toi, ma chère Ombrefeuille, pour le partage de tes impressions, de tes souvenirs d'enfance, et pour tes compliments sur mon écriture que j'essaye de rendre plus subtile au fil de mes poèmes. Je me souviens bien de nos escapades passées dans le Jura, même si c'était plus souvent l'été que nous sommes "montées dans le haut", comme on dit là-bas ;-) La littérature de Bernard Clavel, un auteur jurassien que j'aime beaucoup, était bel et bien présente dans mon inspiration. Quant au fait de devoir rester enfermés pendant quelques semaines... oui, on devrait prendre de la graine des habitants des pays de montagne qui, autrefois, passaient le plus clair de leur temps d'hiver entre leurs quatre murs! Et oui, une réflexion sur la valeur de la solitude serait bénéfique, ainsi que sur le fait de savoir s'occuper utilement et intelligemment l'esprit et les mains même sans sortir. On peut écrire de la poésie, par exemple ;-) :-D :-))) *** |
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Matriochka |
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