L'âme comme un champ de ruines
Sous un ciel lourd et gris de bruine,
Le regard vide et las tu erres
Traînant des souvenirs de naguère.

De la mémoire profondément enfouie
Ne remonte que l'épaisse et sombre lie
D'un passé que le temps n'a pas vaincu,
Te laissant à jamais le cœur blessé, nu.

Quand le jour éreinté enfin s'endort,
Tu entends au loin les Chants de Maldoror (*)
Et, cherchant des yeux la lueur d'une étoile,
Tu ne vois de la nuit que l'obscur voile.

Il n'est point de lumière en ce gouffre ténébreux
D'où n'émergent que des sentiments vénéneux,
Le chemin qui déjà s'efface ne mène pas loin
Quand, regardant hier, tu voudrais aller à demain.

§§§§§§

(*) Les Chants de Maldoror sont un ouvrage poétique en prose, composé de six parties appelées “chantsâ€, écrit et publié en 1869 par Isidore Ducasse sous le pseudonyme de Conte de Lautréamont. Le texte ne constitue pas une histoire suivie et cohérente, mais une suite d'épisodes dont la constante est la présence de Maldoror, un personnage mystérieux et maléfique.

Écrit par Matriochka
Côté ombre plume sombre, côté lumière plume claire.
Catégorie : Pensée
Publié le 25/09/2021
Ce texte est la propriété de son auteur. Vous n'avez en aucun cas le droit de le reproduire ou de l'utiliser de quelque manière que ce soit sans un accord écrit préalable de son auteur.
Poème Précédent

Partager ce poème:

Twitter

Poème Suivant
Commentaires
Annonces Google
Posté le 25/09/2021 à 17:42:23
Lourd", "gris", "sombre", "obscur", "ténébreux" : ton lexique choisi est celui de l'horizon "bas et lourd" du spleen baudelairien, et du "guignon" mallarméen, et du "pavillon de ténèbres" tendu...

Bravo, et merci beaucoup Matriochka, car tu me ressuscites dans ton poème, qui s'inscrit dans une tradition poétique nourrie chez les poètes français toute une époque, lorsque j'avais 16 ans ! À cet âge, découvrant le champ immense et hallucinant quand j'y pense de tout ce qui s'était écrit en France au 19ème siècle (Hugo marchant sur Chateaubriand bousculant Flaubert témoignant pour Baudelaire grimaçant à Stendhal songeant à Zola moquant Rimbaud faisant la nique à Mallarmé et embrassant Verlaine, etc...!), j'avais fait un pas de côté, parce que ma passion qui s'établissait pour le romantisme m'avait en plus rendu curieux pour le surréalisme : je lisais André Breton, sa "Nadja" et son "Amour fou" étaient nourris de la passion romantique pour l'Absolu en toute chose, cet Absolu qui dans nous est notre expression du Sublime que nous trouvons parfois dans la nature. Et les deux livres de Breton, si poétiques d'être proses belles et émouvantes (Breton prosateur nourri de Chateaubriand et de Diderot) me montraient comment je devais concevoir l'amour et puis les femmes et puis la poésie et le hasard et la vie...

Mais Breton et les surréalistes dont Char et Éluard vouaient quant à eux un culte à Isidore Ducasse, se nommant le Comte de Lautréamont (détournant le nom d'un personnage, le "Latréaumont" des Contes de Paris" d'Eugène Sue), l'auteur étonnant de ces "Chants de Maldoror" que tu évoques ici de belle manière et avec à propos dans l'esprit de cet ouvrage puissant par son "dérèglement de tous les sens" et sa liberté absolue de ton, où la sombre poésie et la rébellion d'ampleur métaphysique des romantiques voisine avec l'abject et l'affreux du fait divers le plus cru, et où Ducasse annonce la liberté de ton d'un Joyce et pave la voie à un Burroughs par exemple. Quelle révélation me fut ce livre lu à 16 ans, je ne saurais le dire, parce qu'il m'a fait frémir aussi, et parce que heureusement Rimbaud et Baudelaire et Breton et Flaubert me gardaient auprès d'eux comme des guides bienveillants quant à ce que je pourrais écrire ou pas, ou non, puisque je pense qu'il peut être bon de conférer un soupçon de lustre, de magnifier certaines choses qui ont pour moi une valeur proche de celle du sacré. À 16 ans, le rebelle en moi crachait sur tout, comme Maldoror l'anti-héros accomplissant la révolte absolue contre Dieu et la société des hommes et faisant de Lautréamont l'héritier fermant en France l'époque romantique, et il mourut à 24 ans au temps de la Commune, lui qui venait de loin, d'un Uruguay nous ayant apporté encore Laforgue et Supervielle...

Ta strophe ultime résume le contenu de ces "Chants" qui font déchanter, pied de nez d'un jeune homme à son époque, qui me parlait à 16 ans, qui était également l'expression de son temps enclin au spleen et au guignon et aux "révoltes logiques" contre "l'enfer" de Rimbaud, mais qui de plus montrait une possibilité d'avenir à une littérature toujours disposée à se conformer pour l'accès à elle ou même pour les ventes.

Les aventures de la langue m'ont passionné et m'ont nourri. Et quand "l'âme est champ de ruines", j'aimais lire qui vécut cet état avant moi, communier et comprendre, partager la peine adoucissant la douleur et réconfortant, où la littérature et la poésie sont primordiales, réceptacle et conservatoire de toutes les émotions et expériences du monde humain.

Pardonne-moi la longueur de ce com, je parle quand ma passion est si vive pour ce qui a determiné comment j'allais vivre jusqu'à ce jour et toujours aujourd'hui, et a guidé ensuite tant de mes lectures et admirations ultérieures (Lautréamont m'orienta vers Artaud et son "Théâtre de la Cruauté", m'entraînant en philosophie vers Georges Bataille et en poésie vers Friedrich Hölderlin puisque Ducasse avait une folie en lui pour écrire ainsi et pour se dépasser en esprit n'existent que le génie et la folie).

Avec ma très vive amitié pour toi, chère Matriochka :)
jacou
Posté le 25/09/2021 à 17:48:44
Félicitations Matriochka, ce poème prend aux tripes par son intensité. Un passé qui point ne passe et qui s'obstine à faire saigner
Vermeil
Posté le 25/09/2021 à 18:10:08
J'ai été saisie par "sentiments vénéneux" ...
Voilà une manière inattendue d'exprimer le mal de l'âme, et au
fond des plus justes, des plus abouties.

Tu as su rendre la "mélasse" dans laquelle se débattent ceux
que la lumière a désertés, ceux qui en viennent à ne même
plus croire au souffle de la vie ...

Je voudrais que ton poème eût des pouvoirs magiques et rendît
l'élan à tous ceux en qui il s'est rompu !
Ombrefeuille
Posté le 25/09/2021 à 18:15:26
Beau texte et profond
CRO-MAGNON
Posté le 25/09/2021 à 19:33:56
L'obscurité du vivre dans le passé est bien décrite
Il y a une réelle ambiance dans ce poème, sombre, dans laquelle on s'enfonce crescendo à la lecture
Merci pour ce partage
Edelphe
Posté le 26/09/2021 à 01:43:56
Superbe poème dans le style.

Le dernier vers est d'une grande beauté.

Je suis plutôt du côté lumineux de la force mais j'ai apprécié la tenue de ce poème.
Syntax_Error
Posté le 26/09/2021 à 04:22:01
bonjour Matriochka
tes mots sont bien sombres...tu décris avec intensité...cette détresse
qui erre perdue...mais dans ton sublime poéme !il y a parfois un doux
murmure qui renait dans les coeurs purs! j'ai apprécié !en favori !
bon courage! bonne journée ! prends bien soin de toi ! bises amicales :) amitiés chaleureuses :) (je prie fort pour toi !)
romantique
Posté le 26/09/2021 à 08:32:58
Vraiment très beau !!!
Des vers très pertinents, poétiques...
Cette obscure étoile est illuminée d'inspiration
en favori
Lucyline
Posté le 26/09/2021 à 12:04:13
Une poésie profonde dans son sentiment de sombrer, de ne plus pouvoir voir cette petite lumière qui amène l'espoir au futur.
fee-de-ble
Posté le 26/09/2021 à 16:07:32
Un immense merci à toi, mon cher Jacou, d'avoir autant apprécié ce poème des tréfonds de l'âme humaine.

Tu es tout excusé de la longueur de ton comm, car je suis toujours touchée quand un de mes poèmes parle au coeur d'une personne que j'apprécie, quand il rejoint ses passions, et que cette personne me partage son ressenti et ses impressions en retour, qu'elle me parle des échos que mes mots ont éveillé en elle.

Et j'en apprends toujours beaucoup sur le monde de la poésie, de la littérature et de l'art en lisant tes comms et tes réponses à mes comms sur tes poèmes, l'étendue de ta culture dépassant de loin la mienne.

Je suis réellement honorée que mon poème, que j'ai écrit d'après une synthèse de ce que je constate chez des personnes souffrant d'un profond mal de l'âme lié à leur passé qu'elles ne parviennent pas à "solder" (inspiration provenant en partie de ma sphère amicale, mais pas que, les exemples étant nombreux, y compris dans les communautés de poètes) te fasse penser au spleen baudelairien et au guignon mallarméen.

Quant à la mention des Chants de Maldoror, j'ai fait connaissance de cette oeuvre à la fin de mon adolescence par un biais pour le moins original, puisque c'était par la chanson "Les dingues et les paumés" d'Hubert-Félix Thiéfaine, musicien chanteur ultra populaire dans le Jura puisqu'il en est originaire, et où je suis née, y ayant passé ensuite mon enfance et ma jeunesse. Ses chansons ont fortement marqué mes années lycée.

Au plaisir de te lire, avec ma forte amitié pour toi :-)
Matriochka
Posté le 26/09/2021 à 16:10:20
Merci infiniment, Vermeil, pour vos félicitations qui me vont droit au coeur.
L'inspiration pour ce poème m'est justement venue de personnes de ma connaissance qui n'arrivent pas à se sortir d'un passé dont elles restent profondément et durablement blessées, et qui empoisonne toute leur vie.
Au plaisir de vous lire, bien amicalement à vous :-)
Matriochka
Posté le 26/09/2021 à 16:15:27
Un immense merci à toi, ma chère Ombrefeuille, pour ta lecture toute en finesse de ce poème, d'autant plus que tu sais de quelle(s) personne(s), que nous connaissons toutes les deux, provient mon inspiration.

Je ne sais si j'ai pu rendre toute l'étendue de leur souffrance, qu'au fond elles seules connaissent, mais avec toi je souhaiterais que ce poème ait le pouvoir magique de les désembourber d'un passé dans lequel elles demeurent enfoncées au point d'en avoir perdu l'élan vital, la vue sur la lumière de la vie.

Au plaisir de te lire, triple bizzz à toi :-)***
Matriochka
Posté le 26/09/2021 à 16:16:56
Merci infiniment, Cro Magnon, de ton appréciation.
Je suis ravie d'avoir réussi à faire ressentir la profondeur que je souhaitais faire passer par ce poème.
Au plaisir de te lire, bien amicalement :-)
Matriochka
Posté le 26/09/2021 à 16:21:14
Merci infiniment, Edelphe, de votre lecture attentive de ce poème.
Je suis ravie d'être parvenue à faire ressentir à ce point l'obscurité qui peut régner dans l'âme de personnes qui demeurent douloureusement blessées par leur passé, et qui ne parviennent plus à sortir de leur souffrance malgré les années passés et les divers parcours de soin.
C'est leur tragédie intime que j'ai souhaité évoquer ici.
Au plaisir de vous lire, bien amicalement :-)
Matriochka
Posté le 26/09/2021 à 16:27:05
Merci infiniment, Syntax_Error, de me partager vos impressions sur ce poème.
Je suis aussi du genre à me tourner (en tout cas à essayer) vers le côté positif de la force, comme vous le dites si bien, mais en ce poème je souhaitais m'arrêter un instant sur la souffrance de certaines personnes de ma connaissance qui ne réussissent pas à se détacher d'un passé qui plombe encore et toujours leur vie et qui les empêche, me semble-t-il, d'avoir accès à la lumière de l'espérance.
Au plaisir de vous lire, bien à vous :-)
Matriochka
Posté le 26/09/2021 à 16:32:56
Un immense merci à toi, mon cher Sylvain, d'avoir ressenti mon poème dans tout ce que je souhaitais y exprimer, y compris la possible renaissance du coeur, et de l'avoir conservé en tes favoris.

L'inspiration m'est venue de personnes de ma connaissance, dont le passé est à ce point lourd qu'il leur pèse toute leur vie durant et les entrave dans leur progression vers un avenir plus souriant, plus lumineux. Et je me désole de ne pouvoir alléger leurs souffrances.

Merci infiniment pour tes prières également, ton amitié me touche beaucoup.

Mes pensées t'accompagnent chaque jour, prends bien soin de toi.
Au plaisir de te lire, bises d'amitié chaleureuse et vive :-)
Matriochka
Posté le 26/09/2021 à 16:37:25
Merci infiniment, Lucyline, d'avoir autant apprécié ce poème et de l'avoir gardé en vos favoris, j'en suis réellement touchée.

Cela m'est profond regret de voir des personnes qui souffrent d'un passé qui les ont blessées au point d'en être profondément affectées toute leur vie durant, et de ne pouvoir les aider à se sortir de cette nuit qui assombrit leur âme.

Au plaisir de vous lire, bien amicalement :-)
Matriochka
Posté le 26/09/2021 à 16:42:14
Merci infiniment à vous, fee-de-ble, d'avoir ressenti la profondeur de ce poème et de m'avoir partagé vos impressions.

Oui, il y a malheureusement des personnes qui vivent prisonnières de la nuit d'un passé qui les a profondément blessées, et dont l'âme n'a plus accès à la lumière de la vie et de l'espérance.
C'est en observant la vie de certaines de mes connaissances vivant avec cette souffrance terrible de l'âme que j'ai trouvé les mots de ce poème.

Au plaisir de vous lire, bien amicalement :-)
Matriochka
Posté le 26/09/2021 à 19:14:52
Bonsoir Matriochka ..

BRAVO !!
Ta Plume sait parler de ces Choses - là .. ta Plume sait redonner Lumière et Eclaircie à Celles et Ceux qui se perdent dans le Sombre et Désespoir ..

Beau Texte touchant ..

En Favori ..
Merci de ta Plume !!
Amitié ***
LyS ..
Lys-Clea
Posté le 28/09/2021 à 14:39:19
Un immense merci à toi, ma chère Lysée, d'avoir lu ce poème avec une réelle sensibilité, d'avoir ressenti pleinement ce que je souhaitais y faire passer, et de l'avoir mis au coffre.

Je voudrais que mes ami(e)s, dont l'âme s'est égarée dans ce monde sombre du désespoir, arrivent à retrouver la lumière intérieure et l'intensité de la vie. Mais c'est si difficile!

Au plaisir de te lire, pensées et bises d'amitié illuminées du soleil d'automne :-)***
Matriochka
Commentaires
Annonces Google
Ajouter un Commentaire
Vous devez etre identifié pour pouvoir poster un message
Veuillez vous identifier en utilisant le formulaire ci-dessous, ou en creant un compte

S'identifier
Login :
Password :
Apparaitre dans la liste des connectés :

Mot de passe perdu ?

S'identifier

Login
Password
Etre visible
Mot de passe perdu

Rechercher un poème


recherche avancée

Tribune libre

17/04 07:42Sarahg
"C'est pas marqué dans les livres que l'plus important à vivre est de vivre au jour le jour, le temps c'est de l'amour..."
17/04 07:25Plume borgne
Les décisions sont un fléaux
17/04 06:51Sarahg
Indécis et ancré à la terre du destin.
17/04 05:00Plume borgne
Essaye d'imaginer quelque chose en étant le plus indécis possible
17/04 02:47Sarahg
Imagine qu'il n'y ait jamais de tristesse indicible
16/04 08:28Plume borgne
Imagine qu'on parvienne à tuer l'ennui
15/04 10:58I-ko
imagine qu'il n'y a rien à tuer ou à mourir
15/04 05:16Plume borgne
Pourquoi ne pas imaginer l'imagination ?
14/04 04:41Bleuet_pensif
Si seulement cette imagination était réelle...
14/04 04:31I-ko
imagine tous les gens vivre leur vie en paix
12/04 07:39Ocelia
Imagine les gens vivant pour maintenant, imagine si le paradis était un mensonge. Lennon
11/04 04:10Sarahg
À méditer pour vous en ce jeudi.
11/04 04:09Sarahg
"La folie est un don de Dieu". Jim Fergus
08/04 11:25Sarahg
Portez vous bien les poètes.
08/04 11:25Sarahg
A méditer : on ne se trompe pas de chemin ; on avance, poussé par nos ailes.
08/04 11:13Sarahg
Bonne soirée et bonne nuit à vous, Ange de Lumière.
08/04 09:11Ange de Lumiere
Très belle soirée à tous
08/04 08:42Ange de Lumiere
Bonsoir les poètes
07/04 09:03Ange de Lumiere
Bonsoir à tous
07/04 08:59Yuba
Je souhaite la bienvenue à Ange de Lumière, de nouveau parmi nous chez les modos :)

Qui est en ligne