Le Kronprinz extasié grimpé sur son Dada admire ses bataillons. Superbe ! Ridicule ce fort si bien fait et si bien oublié. Ah ! Ces français ! Fantasme de Pétain sur les intentions de Falkenhayn, pourtant ne radote pas encore, le général !

C'est février glacé ce mardi, là comme à Zurich.

Sur le front Est, c'est Driant en Danrit, ou l'inverse, qui s'active conscient de l'absurdité d'une situation par des chefs sciemment abusés, imposée. Haumont ! Deux bataillons savent leur fin assurée. Ils tiennent dans la boue, englués.

C'est février, an seize de ce siècle mécanique chez les Russes et à Zurich.

De Langle de Cary arrive en sentinelle tandis que Joffre d'orgueil bouffi s'empiffre et gesticule derrière ses cartes d'état-major. Des actes et paroles insensés ! Les chasseurs de Driant en Danrit, ou l'inverse, complètement décimés au bois des Caures sciemment sacrifié !

C'est février ce mardi 8 et tous les jours suivants si stratégiques et si loin de Zurich.

Qu'importent les vies humaines, c'était programmé depuis si longtemps. Les cerveaux, c'est fait pour penser les lendemains et l'avenir lointain. Tous ces enfants à peine éduqués mais déjà trop. Absurdité ! Ne pas scier la branche où nobles et bourgeois sont si bien installés.

Mais il reste des artistes, belle échappée, n'y a pas que la Croix Rouge à Zurich.

Vers Port Saïd le cuirassier Amiral Charner coulé par ces satanés Brandebourgeois bien entraînés ! T'en auras des choses à raconter canonnier Cariou, pourquoi et comment rescapé ! En mer si peu de témoins. Moins de sang quand le feu et l'eau s'épousent sous le ciel d'acier.

Lui, le peintre fatigué s'arrête au Voltaire, si bien nommé pas si loin de Ferney, à Zurich.

C'est lui, Marcel Janco désœuvré quand tant d'autres se font écrabouiller qui pousse la porte du café d'Hugo Ball, le premier ! Les autres s'y sont ensuite engouffrés et bien amusés. Il le fallait ! Arp, la belle Taeuber, le grand Richard et puis ce nouveau Tristan, farfelu !

On joue, on triche, on chante au Cabaret Voltaire à Zurich !

À Paris Monsieur de Freycinet soigne sa grippe. La banque de France encaisse quatre millions et demi d'or et on prétend même que la foire de Lyon va concurrencer celle de Leipzig et ça, ce sont tous les potins du Petit Parisien. On vit bien aussi semble-t-il à Paris.

Pourtant Zeppelin allemand abattu à Paris et on cherche un nom au Voltaire de Zurich !

Faut penser à replacer tous les mutilés, les faire travailler ! C'est la guerre, que diable ! Les Allemands bombardent la route de Munster. En Picardie, les gaz se répandent bizarrement en sa ville-préfecture mais le pire est encore à venir. Nul ne le sait encore !

Le Larousse a tranché en serrant le coupe-papier. Ce sera Dada ! On s'amuse à Zurich !

Main verte ou lame, qu'importe dans ce monde où règne l'absurde, le Mot est là pour dire, pour dire quoi ? Pour dire le N'importe quoi ! L'inconscient, le hasard, la rencontre fortuite est, en ce monde devenu fou, bien plus signifiante que la pseudo- parole sage, réfléchie.

Sur terre, sur mer, dans les pays en guerre comme ailleurs, la vérité vient de Zurich !

Le Kronprinz extasié grimpé sur son Dada admire ses bataillons. Superbe ! Ridicule ce fort si bien conçu et si mal protégé. Ah ! Ces français ! On l'a eu ce magnifique fortin ! Gallieni t'avait pourtant bien averti, mon cher ami, Pétain !