Il t'en souvient de ces jours de popeline blafarde, de ces jours où tu n'étais que cette nuée tantôt bleue tantôt grise puiqu'on te l'avait acheté réversible ce manteau de pluie et de deuil.
Il t'en souvient, tu étais en cette enclave d'innocence, posée sur un banc auprès d'un encensoir.
Il t'en souvient de ces matins de jeudi buvard où tu entendais se déverser dans le vide-reposoir la parole qu'il te faudrait sans erreur redire.
Il t'en souvient de cette lumière douce et diffuse qui te faisait corps flottant entre vitraux plombés et spectres auréolés répétant la réplique catéchiste sage et assidue.
Il t'en souvient de ce « et toi, la petite bleue, là-bas ? », lame en plein tendre que tu ne sus esquiver, toi la docile, toute de lave brûlante celée derrière tes regards impassibles.
Il te souvient de cette soudaine déchirure, de cette larme, ire geyser sitôt inversé qui jaillit et que furtivement tu écrasas de ton studieux index étourdi d'encre et de sel.
Il te souvient de cette langue de feu qui afflua soudain sous tes cils d'enfant soumise.
Il te souvient avoir donné comme toujours, mais comme prise en faute, l'ovine réponse d'une voix timide et confuse.
Te sentir si peu de choses en ce lieu d'amour divin, dans cette gloire de soleil irisé !
Te sentir si petite chose captive comme dans la rue du village, ostensoir quand les murmures grimoires des mères qui te croisent sont pelletées de cendres et de braises votives qui te couvrent et t'étouffent chaque jour un peu plus !
La petite bleue ? Tu n'es plus que la petite bleue ! Toi qui arborais, jadis, comme orgueilleux oriflammes ton jupon rouge, ton caraco de cerise veloutée, ton gros nœud, papillon incarnat se gorgeant de la brillante tourmaline de ta chevelure ! Orgueil d'enfant blessée, outrage refusé de tout ton être définitivement hérissé ! Il t'en souvient !
C'est ce jour-là qu'une giclée de fascines défensives suinta, d'un coup, de ton tréfonds.
C'est ce jour-là qu'elle t'enveloppa toute ; carapace si roide, si dure camisole, que depuis elle t'emprisonne bien plus qu'elle ne te protège !
Si épaisse, si solide que, depuis, personne ne peut plus te connaître ni te re-connaître.
Si lourde, si pesante que depuis ton dos s'est vrillé, ton pas lesté de caprices incongrus.
Petite bleue tu es restée, nuée tantôt grise, tantôt bleue puisqu'on te l'avait acheté réversible ce manteau de pluie et d'avenir.
Ô vulnérabilité de l'enfance
Grande est de l'adulte l'inconscience !
Écrit par Moi80
Aimer la vie à en devenir fou est une super façon d'être heureux!
Catégorie : Divers
Publié le 22/01/2014
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Très ému après cette lecture l'écrit est convaincant et de belle facture ! | |
Abdel |
Une grande écriture en hommage à la petite bleue qui a su te marquer de profonds sentiments ! | |
coeur.de.saphir |
Merci ! | |
Moi80 |