Le vieil homme était assis là, sur le banc humide du temps qu'il faisait en ce mois de Novembre, comme il aimait s'y asseoir de temps à autre. Il n'était pas plus singulier qu'un autre, ni ne passait plus de temps sur ce banc qu'un autre. Mais les gens du coin avaient fini par le mémoriser quelque part en eux, car on le voyait toujours portant une serviette de laquelle, lorsqu'il s'asseyait, il retirait des feuilles blanches ou parsemées de ratures et un stylo. On le nommait donc “écrivain†ou encore “poèteâ€, car il aimait rester un certain temps sur ce banc, écrivant un mot par-ci, un autre par-là. Lui ne comprenait pas vraiment d'où lui venait cette appellation, car il considérait en lui-même la fin qu'il donnait à cette “perte de tempsâ€, qui était justement d'utiliser son propre temps afin de trouver la raison de son existence, de sa vie. Il en venait donc parfois à rester immobile sur ce banc, s'interdisant d'écrire quoi que ce fut, excepté ce qui touchait à cette finalité. Rien ne l'attirait pourtant dans cet endroit banal et qu'il trouvait même plutôt laid ces temps-ci. Un parc comme il en existe des tas dans une ville commune, avec ses graviers gris et sales, son herbe grasse trempée constamment, pleine de crottes de chiens, ses arbres nus et ses feuilles mortes. Non, ce qu'il aimait contempler ce n'était pas tant l'environnement que les nombreux enfants qui s'y trouvaient souvent.
Ce jour-là, le vieil homme avait écrit quelques mots sur sa feuille : "Le temps est une chose difficile à saisir ; on ne peut réellement saisir le temps car le temps n'a pas de corps, il n'a pas d'identité…", lorsqu'il entendit brièvement une maman et son jeune enfant qui parlaient, passant devant son banc : «
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Dis maman…
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Oui ma chérie ?
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Pourquoi les gens ils passent beaucoup leur temps à se faire la guerre ?
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… Eh bien, c'est parce que les gens veulent se sentir plus grands que les autres.
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Mais pourquoi les gens qui se font la guerre ils n'attendent pas de grandir pour voir s'ils sont pas plus grands que les autres ?
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C'est vrai, mais tu sais ces gens-là sont pressés parce qu'ils ont peur de perdre leur temps, et de devenir trop vieux et de mourir.
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Donc les gens ils ont pas envie de mourir donc ils tuent les autres gens pour leur voler leur temps ?
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Hum oui on peut dire ça…
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Mais pourquoi… »
Alors qu'elles continuaient à avancer sur les graviers sales et gris, le vieil homme resta un moment interdit, les yeux fixés sur l'innocence encore fragile de la petite fille. Puis, après un soupir chargé par des années d'amertume, il ratura sa feuille une nouvelle fois, et écrivit en dessous :
"Comme l'enfant qui avance dans la vie, le temps qui avance aujourd'hui n'est plus qu'une identité perdue. Une de plus."
Écrit par Naliwe Lewan
"Ces fantômes de chants l'aurore les nettoie
Et la main du soleil revenu les disperse Quand le grand jour m'en a lavé de son averse Ce que j'en puis savoir c'est qu'ils parlaient de toi" Catégorie : Pensée
Publié le 01/11/2013
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"Le temps" reste et demeure notre plus grande préoccupation et notre plus grande réflexion, j'ai beaucoup aimé ce texte, le vieil homme, l'enfant, et un espace temps qui ne leur appartient pas, intervalle de vie, qui n'est rien qu'un souffle de vie éphémère, merci beaucoup pour ce moment perdu à vous lire (sourire). Amitiés poétiques | |
Octavie |