Se peut-il que déjà vous ayez oublié
Ces cris qui se taisaient, déchirés de silence ?
N'avez-vous donc gardé aucune souvenance
De nos luttes brisées, de notre espoir nié ?
La grisaille des jours sur nous s'alourdissait,
La prison, si souvent, nous arrachait les nôtres,
Tandis que, payant cher la liberté des vôtres,
Nous supportions un joug qui s'appesantissait.
Se peut-il que déjà le monde ait oublié
Les cris de nos prisons déchirant le silence ?
Il n'y a donc personne qui ait souvenance
De notre espoir naguère écrasé, tu, nié ?
C'était il y a peu, c'était en d'autres temps,
C'était à Budapest, à Prague, à Varsovie,
C'était à Moscou-même, et jusqu'en Sibérie,
La grisaille de plomb sur nos jours pantelants.
Se peut-il que déjà le monde ait renié
Nos cris et nos espoirs ? Peut-il sans souvenance
De nos jours gris et bas, garder un tel silence
Sur notre combat déjà si vite oublié ?...
* * * * * * * * * * *
Note : Même si je ne nomme pas l'Allemagne dans ce poème, je tenais à le publier aujourd'hui 9 novembre 2019, afin de m'associer au trentième anniversaire de la chute du Mur de Berlin.
C'est en 2014 que j'ai écrit mon texte, après avoir vu à la TV un film tchèque dont le titre français est "Sacrifices" et qui s'attache à montrer plusieurs choses : la force insoupçonnée de l'acte ultime de Jan Palach qui s'immola par le feu le 17 janvier 1969 place Venceslas à Prague, l'acharnement avec lequel les autorités du pays essayèrent de présenter ce geste comme un suicide, et l'énergie que mit l'avocate de la famille à contrer cette thèse.
Écrit par Ombrefeuille
De la corolle du silence
Le parfum de l'âme s'élance. (Ombrefeuille ... tout simplement ...) Catégorie : Histoire
Publié le 09/11/2019
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Ton poème, écrit avec des images qui disent la vérité de ce que furent les dictatures communistes dans les pays d'Europe de l'Est, touche directement la part russe de mon âme, ma chère Ombrefeuille. Tu as su trouver les mots qui ont une grande force d'évocation pour parler de cette période de l'histoire récente. Mais hélas, en tout cas en ce qui concerne la Russie d'aujourd'hui, pays que je connais le mieux dans ceux que tu cites, seul le vernis est démocratique... et il ne faut pas le gratter beaucoup pour retrouver les arrestations arbitraires, les emprisonnements pour motif "d'opposition politique" , et même les goulags, avec en plus la misère due à l'économie ultra libérale adoptée là-bas... Et je ne te cache pas qu'en tant que descendante de russes, cette situation ne m'agrée aucunement. Alors oui, il serait bien que le monde n'oublie pas les combats du passé récent, qui attend de ressurgir dès que possible! |
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Matriochka |
une déchirure sous silence des atrocités tellement fortes merci de ce souvenir :)amitiés | |
romantique |
C'est un poème déchirant. vos mots sont très forts . Non seulement le monde semble avoir oublié les atrocités des guerres et de tous ces combats meurtriers mais cela continue et je doute que toute cette misère s'arrête un jour. Je voudrais penser le contraire mais ce serait en désaccord avec mon esprit. Belle nuit | |
roserose |
Le Mur grisâtre est tombé, comme toute servitude. De la Pologne à la Roumanie, il leur fallut endurer dans des luttes bien des reculs lors de printemps foulés sous des chenilles de chars, puis il y eut enfin un matin, des matins, et une année surtout magique : 1989, date, moments, auxquels vous rendez de beaux hommages. Il fallait des hommes à la hauteur également des événements, des Gorbachev, Reagan, Thatcher (qui rapprocha Reagan et Gorbachev), et éminemment des Walesa, Havel, pour incarner les combats dans leur chair en prison, et enfin, des Masowiecki ou des Orbán (première manière) pour gouverner ces toutes nouvelles démocraties. Merci à vous, pour ce mur aboli dont la mémoire en Europe doit demeurer ! | |
jacou |
Oui même si l'on n'a pas vécu cette époque de tourmente, il est nécessaire de ne jamais oublier, car l'Histoire est un cycle incessant, un serpent qui se mord la queue. Merci de raviver le souvenir en mots si poignants Ombrefeuille... et pour la référence du film ! | |
Ombellune |
Magnifique poème.... Merci Ombrefeuille :) |
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MARIE L. |
Merci à tous et à chacun pour vos partages riches et cette communion à l'esprit qui porta longtemps dans le silence le combat des dissidents et qui fit se lever un matin d'espoir sur l'Europe et le monde. Je comprends pleinement ton amertume, chère Matriochka, et y souscris d'autant plus que je suis convaincue que la Russie éternelle, nonobstant ses "avatars" successifs, a vocation à être un phare de l'humanité. Merci, Sylvain, d'avoir su ressentir cette déchirure. Elle fut exprimée par Virgil Gheorghiu dans son roman "Les sacrifiés du Danube", où il dit que les peuples d'Europe centrale et orientale ont payé de leur liberté perdue celle gagnée par les pays occidentaux. Oui, Roserose, on aimerait garder espoir, mais tant de forces du chaos se sont donné rendez-vous à notre époque, jusqu'aux agresseurs et conquérants qui posent à la victime et défilent au grand jour, scandant des cris qui n'ont rien de civique ... Et pourtant l'espoir est une urgence, un devoir, si j'ose dire ... Votre analyse est riche et profonde, Jacou, et on mesure, trois décennies après la chute du mur de Berlin, combien ces personnalités politiques que vous nommez, ont eu, malgré leurs limites, un rôle précieux. Il en est une autre, non pas politique mais spirituelle, qu'il ne faut pas oublier : le pape Jean-Paul II (il fut lourdement critiqué, mais son action pour l'ouverture du Rideau de Fer est indéniable). C'est vrai, Ombellune (quelle joie de vous revoir sous ce beau pseudo !) L'Histoire est comme un serpent qui se mord la queue, et je m'intéresse pour ma part assez à l'histoire ancienne et récente des Balkans en particulier pour trembler quant aux risques actuels ... Merci enfin, Marie, pour ce "magnifique" qui honore mon texte. Plus magnifiques encore furent les combats des esprits libres sous le joug de l'arbitraire. Puissions-nous nous en inspirer, même si nous sommes loin d'endurer ce qu'ils durent supporter, quoi qu'en disent les fauteurs de trouble et autres semeurs de haine ! |
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Ombrefeuille |
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