Comme il fait gris, Madame, entre ces murs transis
D'une frayeur sournoise et d'un froid immobile
Qui rongent la clarté des matins indécis
Et ferment tôt les soirs pleins du flot de la ville !
Je vous prie d'excuser mon entrée en ce lieu
Et le sursaut de peur que j'inflige à votre âme ;
Je dépose à vos pieds l'hommage d'un adieu
Et, si vous l'acceptez, mon amitié, Madame.
Le garde posté là ne voit pas, n'entend pas,
Car je viens du futur, de cet outre-mémoire
Qui me fait vous parler bien plus bas que tout bas,
D'un souffle qui se tisse aux rives de l'Histoire.
Je n'ose point céans vous nommer "Majesté",
Tant votre dénuement dépouille l'étiquette.
Je ne puis cependant taire la loyauté
Que le peuple vous doit jusque dans la défaite.
Qu'il est donc loin, le temps des jeux et des splendeurs !
Qu'il est bref, le chemin de la Cour à la geôle !
Que la foule est brutale, aux mains de ses meneurs !
Qu'elle est sombre, la croix qui pèse à votre épaule !
Qui comprendra jamais l'abîme de chagrin
Où se trouvent plongées vos entrailles de mère ?
Car l'on vous a ravi, du jour au lendemain,
Vos enfants tant aimés. - Ainsi va l'arbitraire …
L'on prétend vous sommer, devant un tribunal
Qui n'a d'autre discours que l'opprobre et la haine,
D'avouer l'impensable innommable immoral :
L'on espère avilir et la femme et la reine !
Je vous quitte, Madame, il est l'heure déjà
Pour moi de regagner sur l'aile du silence
Le siècle qui est mien. De vous demeurera
Une image debout, digne dans la souffrance.
* * * * * * * * * * * *
Poème inspiré par la fiction documentaire
"Marie-Antoinette - Ils ont jugé la reine !"
diffusée sur Arte le 16 octobre 2021
Écrit par Ombrefeuille
De la corolle du silence
Le parfum de l'âme s'élance. (Ombrefeuille ... tout simplement ...) Catégorie : Histoire
Publié le 20/10/2022
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Une poésie d'un style ancien, tout en délicatesse, ma chère. Il parle bien plus bas que tout bas, mais moi je te dis bien haut bravo! | |
fee-de-ble |
Belle révérence. "Qui me fait vous parler bien plus bas que tout bas D'un souffle qui se tisse aux rives de l'Histoire." Je trouve ces vers d'une poésie rare. L'on sent bien cette affection toute personnelle que vous entretenez avec ce personnage historique. Au plaisir de vous lire. |
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bonjour OMBREFEUILLE TU NOUS reviens avec un poéme "épique" qui transcende le temps ! tu a su avec ta plume inspirée et féconde !faire "vivre" ce moment d'eternité... qui me parle au coeur...le contexte historique d'une existence qu'on va "supplicier"...tu as densifié ton récit remarquable !félicitations ! en favori ! bonne journée ! prends soin de toi ! amitiés vives :) |
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romantique |
Une belle trame historique avec ce poème inspiré et bien écrit ! Bravo ! |
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virgile |
Votre poème aussi à toute la majesté que vous évoquez pour elle Quel plaisir cette lecture Merci |
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Edelphe |
Un favori ! | |
Edelphe |
Qui veut noyer son chien l'accuse... La reine, née jeune étrangère et mariée de force ailleurs (j'ai aimé le film de Sophia Coppola, mode mais si vrai sur la jeune fille éternelle et éveillée et aimante à ses conditions) endura la pire accusation qu'une mère puisse entendre. Aussi, du couple royal, elle avait le plus de caractère, car étrangère en France d'abord et bien formée pour les épousailles de ce genre. Votre poème, mon favori, a parfois des vers à la frappe de l'Agrippa D'Aubigné des "Tragiques" : après tout, un drame historique a des convergences en poésie comme déploration et deuil où toute âme mérite d'être sauvée, et quel était son crime, si ce n'est d'incarner un principe devenu à l'instant détestable ? Je sens Corneille, et Malherbe à Monsieur du Périer, comme une tristesse qui se signe, à peine accusatrice, déjà mortelle, inclinée à la perte comme en ce dernier poème d'André Chénier, lui aussi guillotiné par des gens que son frère, triste poète également, servait, servilement. Il faut avoir lu des poèmes pour écrire ainsi que vous ce poème magnifique de ton, de tenue, de contenu, de prestance cornélienne dans le drame à ne pas subir, à affronter effrontément en serrant sur son coeur en pensée le "petit mitron" de la femme boulangère, "l'infâme" accusée quand les chiens humains veulent tuer une femme sous couvert de la foule aux humeurs atterantes, tandis qu'on fera mourir l'enfant dans la geôle... Puis, comme conseillait Rilke au jeune poète, il faut avoir vécu, avant d'en écrire, etc... "La garde n'en défend point les rois" (Malherbe, "Consolation à Monsieur Du Périer sur la mort de sa fille") mais elle a aussi vécu l'espace et le matin, à jamais éternels quand des poèmes de loin en loin témoignent ainsi, d'une poétesse future, femme, vers une femme nantie de trop de pouvoir, hantant, entée dans la grande famille humaine qui la recueille en l'inconscient collectif qui fait les artistes vrais, défendant toute cause si elle le mérite éthiquement : ici, le souvenir des meurtres faciles que la Révolution autorisa également en Europe, ouvrant à ce que Hannah Arendt autopsirait sur le siècle Vingt... Votre souffle ci tissé aux "rives" d'une histoire d'une vie si menue et non amène, j'en fais un favori, fortement en vous félicitant ! Merci d'avoir publié sur Icetea ! |
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jacou |
Très belle idée que cette visite dans le passé pour signifier un soutien moral, de la compassion et de la reconnaissance. Le style est excellent, ce poème se lit avec une fluidité déconcertante. Je ne suis pas royaliste mais j'admire. Bravo Ombrefeuille | |
Vermeil |
Bonsoir Ombrefeuille, :) Favori ! Sublime Retour - Tu manquais Tant !!! - :) Et quel Poème ! Ta Plume prend cette Hauteur magnifique qui donne à La Poésie sa Puissance propre ! Je sais tes Vers, tes Mots toujours posés Là .. et où les Yeux du Lecteur va s'envoler dans les Contrées où ton Sujet le mène .. J'aime tant ton Sens des Formules .. et c'est Bonheur fort de te lire , de relire .. tant On se sent emporté .. Beau Sujet .. belle Originalité pour nous l'exprimer .. BRAVO !! A:)*** LyS .. |
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Lys-Clea |
Grand merci à tous et à chacun pour vos lectures attentives qui témoignent des aspirations nobles de chacun au respect de l'innocence de qui n'est point coupable. On peut n'être pas royaliste, en effet, et déplorer les excès (et ils furent nombreux !) commis par la Révolution, et plus encore l'acharnement qu'elle mit à salir Marie-Antoinette. La Reine, qui se montra frivole pendant trop longtemps, révéla dans la tourmente une grandeur d'âme admirable et son amour authentique d'épouse et de mère. La biographie (une parmi tant !) qu'écrivit d'elle feu Michel de Decker (j'en ai oublié le titre) montre à quel point Marie-Antoinette demeura digne dans la souffrance, les épreuves du temps se doublant pour elle de ce qui semble bien être un cancer de l'utérus. Le Roi Louis XVI, quant à lui, est un grand méconnu, du moins le fut pendant deux siècles en gros. Mal préparé à régner, pour la simple raison que son frère aîné devait hériter du trône mais que Louis devint roi à la mort de cet aîné, préférant le silence de l'étude au bruit de la Cour, il se montra durant tout son règne soucieux du "bien de ses peuples" ainsi qu'on disait alors, et en ce sens il s'attacha à promouvoir les sciences et les techniques et à encourager tout ce qui pouvait améliorer le sort des plus faibles : notamment il soutint l'Abbé de l'Epée dans son entreprise d'élaboration de la langue des signes afin que sourds et muets puissent communiquer entre eux et avec les autres. J'aimerais parvenir à écrire un jour un poème rendant hommage à Louis XVI. Je laisse l'idée infuser tranquillement ... Je mets ici le lien vers une video qui donne à entendre, à partir de 1 heure et 15 minutes, le testament spirituel de Louis XVI, texte écrit le 25 décembre 1792, moins d'un mois avant que le Roi monte sur l'échafaud. https://www.youtube.com/watch?v=btGUtjNkcHk&t=4563s |
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Ombrefeuille |
Comme c'est touchant et fort à la fois ! Votre poésie est talentueuse doublée de magicienne qui a su traiter la gravité du sujet avec tellement de belles émotions . Bravo et merci Ombrefeuille pour ce travail de mémoire vibrant et avec lequel vous signer un retour qui me ravit ! |
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Yuba |
Grand merci à vous, Yuba, pour vos mots élogieux et amicaux qui honorent mon texte et me touchent sincèrement. Saluer à ma manière une femme qu'on a longtemps présentée comme n'étant pas à la hauteur de sa charge et comme ayant "bien mérité" les malheurs qui l'ont frappée, je tenais à le faire, ne serait-ce que pour lui rendre justice et pour contribuer à faire connaître, à mon petit niveau, sa réelle grandeur d'âme. |
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Ombrefeuille |
Ombrefeuille svp surtout restez par ici et continuez à émerveiller de vos poèmes mon cœur :) |
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MARIE L. |
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