A celui qui descend en ses sources profondes
Il est donné d'entrer en des jardins frôlés
Par l'aile du silence et les vents esquissés
Sur le seuil deviné d'autres cieux, d'autres mondes.
Car le coeur est une arche, une grotte cachée
Où le feu du mystère a depuis si longtemps
Habité les chemins et les vallons naissants
Que la feuille est gravée sur la pierre couchée.
A celui qui descend en ses sources profondes
Il est donné de boire au creux de longues nuits
La coupe d'amertume, et de tirer du puits
La soif inassouvie, la ténèbre des mondes.
Car l'âme est un oiseau arraché aux abîmes,
Comme un cri, un élan, que ne peut contenir
Le pas de chaque jour si prompt à s'assoupir,
Comme un murmure, enfin, épris des hautes cimes.
A celui qui descend en ses sources profondes
Il est donné, parfois, de soudain se lever,
De jaillir, de bondir, d'exulter, de danser,
Sous la voûte où se tient la lumière des mondes.
Car l'aile s'est penchée sur la vague et l'écume,
La brise s'est assise au frisson du regard,
Car il n'est point trop tôt, car il n'est point trop tard,
Car l'ombre se fait douce, et légère la brume ...
Septembre 2017
Note - Ce poème, écrit alors qu'une personne chère à mon coeur sortait lentement d'une déprime, puise son inspiration à trois sources :
- L'écoute du poème symphonique "La Moldau" (en tchèque "Vltava") de Bedrich Smetana, extrait du cycle "Ma patrie" (en tchèque "Ma vlast");
- Cette phrase de Saint Augustin, s'adressant à Dieu : "Je Te cherchais au-dehors et Tu étais au-dedans, Beauté si nouvelle et si ancienne !" ;
- Un épisode de la vie de Saint Silouane l'Athonite (1866-1938), moine russe du monastère Saint-Pantéléimon (le monastère russe du Mont Athos). Il connaissait l'étreinte de l'angoisse et avait été favorisé d'une apparition de la Vierge Marie (en orthodoxie on dit "la Mère de Dieu") qui l'avait réconforté. Puis, dans le silence de l'âme, ce furent ces paroles surprenantes du Christ qui se firent entendre : "Garde ton esprit en enfer et ne désespère point". Il faut comprendre ici le mot "enfer" non pas comme l'antre de l'éternelle damnation mais comme ce mystère de ténèbres qui se cache en chacun de nous, comme la pesanteur que nous ressentons et aussi comme ce que dit la mystique du péché, qui est une rupture dans l'ordre de l'être, et non pas d'abord une "faute morale".
Écrit par Ombrefeuille
De la corolle du silence
Le parfum de l'âme s'élance. (Ombrefeuille ... tout simplement ...) Catégorie : Spiritualité
Publié le 20/10/2019
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Ah quel magnifique poème... Une harmonie vibrante qui nous dévoile bien des secrets... J'ai adoré aussi "LA ténèbre", c'est d'une belle élégance ! Puis merci de citer vos sources d'inspiration à la fin du poème, j'aime suivre le cheminement de naissance de vers si inspirants eux-mêmes ! Il va dans mes favoris et comme je prends un énorme plaisir à vous lire, je me dis vivement le prochain poème de votre plume... | |
grêle |
Bien qu'il soit inspiré par cette belle pièce musicale de Smetana, par une phrase riche d'enseignement de Saint Augustin et par l'épisode de la vie du vénéré Saint Silouane de l'Athos, ton poème dit combien il est douloureux de se retrouver un jour confronté à soi-même, à ses démons intérieurs, surtout quand cela arrive de manière inattendue, non préparée, et donc forcément brutale. Mais il ouvre aussi sur le bienfait de se regarder vraiment, dans le fond de notre âme, pour découvrir le chemin qui nous mènera vers la libération, la lumière. Il y a une réflexion profonde dans tes mots, qui sont vraiment à méditer. Ce poème me touche en plein coeur... |
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Matriochka |
Beauté des vers, profondeur des pensées spirituelles et de la mélomanie, c'est avec reconnaissance que je place votre poème d'une grâce qui est grande dans mes favoris, car il me faut le relire ce soir à tête reposée, tant le tirant de belle eau de ses vocables et des vers harmonieux demande à être goûté et éclairci également le fonds mystique sur lequel repose le poème, sublime architecture qui conjoint l'âme et l'art dans votre souffle puissant. Merci à vous. | |
jacou |
J'admire. J'ajoute à mes favoris. Je fais aussi une petite visite sur votre site, où J'entends le Refrain d'automne et Fais un long voyage. |
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scyles |
magique intense sublime j'aime :) | |
romantique |
Magnifique ! Autant la forme que le fond , et certains passages m'ont tellement touchée car dans cette renaissance par la "spiritualité" chacun peut se retrouver lorsque la force que nous souhaitons n'est autre que celle qui sommeille en nous et qu'un jour , nous trouvons l'audace de faire remonter ... C'est un poème pour favoris ! Bravo et merci pour ce partage Ombrefeuille ! |
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Yuba |
Un grand merci à tous et à chacun pour vos mots et méditations qui enrichissent grandement la portée de mon texte. Je suis sensible à votre diversité d'approches, témoignage d'une ouverture de l'esprit et du coeur qui encourage à poursuivre, de temps en temps, le partage de poèmes spirituels. Car la spiritualité, quelle que soit sa source spécifique, a ceci d'aimable et de délicat qu'on peut s'en ouvrir à autrui sans pour autant se montrer prosélyte. L'écoute attentive de celui qui souffre (et ce n'est pas chose simple, c'est un chemin où l'on chute souvent) et l'ouverture avec lui d'une échappée vers le haut, telles me semblent être les bases possibles d'une reconstruction de l'être. Merci encore infiniment à chacun d'entre vous :) |
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Ombrefeuille |
Une très belle poésie où l'introspection peut nous faire découvrir une force insoupçonnée et un pays de merveilles. Une poésie à relire | |
fee-de-ble |
Merci, Fee-de-ble, pour ces quelques mots qui disent l'essentiel. | |
Ombrefeuille |
Merveilleux. .et ces vers "le coeur est une arche une grotte caché " Tant de choses peuvent si blottir si garder... Bon dimanche ombrefeuille :) |
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MARIE L. |
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