D'abord, je vous plante le décor. C'est le printemps en Gaule, en 323 après la naissance d'un fils de charpentier, quelque part en Orient, mais nous ne nous y attarderons pas : c'est juste pour situer.
A gauche, vous avez les derniers arbres d'une forêt épaisse et humide. A droite, commence une étroite clairière où s'écoule un ruisseau qui glougloute ses notes claires. Tiens, je vous ajoute le soleil qui, bien sûr, ne troue pas les futaies serrées, mais nappe le lit du cours d'eau d'une lumineuse tiédeur. Un barde aux prises sonores avec sa harpe de boyaux de renard aurait bien complété le tableau, mais je n'en ai pas trouvé.
Derrière le buisson, se tient un Gaulois embusqué. Ses longs cheveux blonds emmêlés sentent la graisse, et son manteau en peau de loup recouvre sa silhouette trapue. Ses mains sales serrent convulsivement une francisque au manche épais, cette hache de guerre à double tranchant. On le verrait bien gronder d'une voix grave, tous muscles tendus, œil rivé sur une proie.
Près du ruisseau s'est agenouillée une Romaine, cantinière d'une légion qui a participé à la conquête de la Gaule. Elle est gracieusement penchée vers des fleurs ; sa chevelure brune est doucement soulevée par une brise qui joue avec sa toge légère. Tiens, on va dire qu'elle chantonne, aussi.
Soudain le Gaulois surgit hors de sa cachette. Son bond est prodigieux. Mais, vous n'allez pas y croire, jetant sa hache, c'est sur les fleurs qu'il se rue ! Il en arrache quelques-unes et, sans attendre, regard chaviré, genou en terre, les offre timidement à la jeune femme, dans une posture d'une infinie humilité ! Puis il lui murmure un truc en gaulois que je ne comprends pas, je n'ai pas fait langue morte à l'école mais, à tous les coups, c'était un compliment, par Toutatis !
Par contre, subitement, s'étant prestement saisie d'un poignard caché sous ses atours, la Romaine se retourne d'un bond, et le plante dans le cœur du Gaulois énamouré. L'homme émét un "oh !" stupéfait, écarquille les yeux et porte la main sur le manche de l'arme, comme pour vérifier qu'il ne rêve pas. Il ne comprend pas et bredouille silencieusement. Puis la douleur se vrille dans son corps – et notre guerrier stupéfait tombe lourdement à la renverse, dans un soupir d'incompréhension, proprement défuncté.
La Romaine extirpe alors sa lame rougie du torse puissant, l'essuie avec dégoût sur le manteau de loup du Gaulois, et crache :
"barbare" !
Je vous laisse deviner la morale de cette courte fable. Si vous ne trouvez pas, c'est qu'il n'y en a aucune. C'est vrai, c'est peut-être juste une histoire.
Écrit par capodastre
Une devise est une prison.
Catégorie : Divers
Publié le 15/11/2010
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La lecture est passionnante, mais la fin, malheureusement tragique ! quand à la moral, "Tout ce qui brille n'est pas d'or", "Méfie-toi de l'eau qui dort" " Ceux qui s'avancent trop précipitamment reculeront encore plus vite. "... amitiés Louann |
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louann |
... Et aussi : "nous sommes tous les barbares de quelqu'un". | |
capodastre |
Très beau texte, écrit avec talent. Que tu viennes t'intègrer dans le texte donne du cachet, lol (plus vivant) Alors pour la petite morale? si je me réfère au contexte de cette époque lointaine, ce pauvre Gaulois était assujetti au romain, (esclave) je pense à la morale, Sur l'écrit de Tango me ramène à la Fontaine Le lion et le moucheron « Entre nos ennemis le plus à craindre sont souvent les plus petits » Il me semble que tu as donné la réponse ci dessus; tant pis je laisse. Amitiés |
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ramie |
... l'imagination se ballade dans ce bel écrit sans trop de problème superbe!! | |
MARIE L. |
J'aurais tellement voulu être barde dans une ancienne vie... Mais c'est raté, mes ancêtres étaient romains ! | |
capodastre |
Attention à ce que tu écris Capodastre, il y a barde et barde, 1er c'est de la graisse de cochon tranchée en lamelle qu'on enrobe au tour d'un rôti, et hop direction four à 240° Si je te prends au mot tu es mal, je te mets en garde ça chauffe !!!! La 2ièm est plus plaisant pour toi, poète chanteur épique et lyrique, celte,enfin tu as le choix. Amitiés du soir hihi, |
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ramie |
Il y'a quelque chose qui m'interroge. L'orient ne désigne t'il pas L'est ? Tandis que La Gaule se trouve à L'ouest ? Autrement dit L'occident ? Enfin je ne sais pas. Mais pourrais-tu m'éclairer. Quoi qu'il en soit, ton poème ma beaucoup ému. J'aime vraiment ce genre d'histoire. Amitiés. D. |
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Divinity |
C'était juste pour situer : en 323 après la naissance de Jésus-Christ, donc au Moyen Orient. Mais l'action se déroule bien à l'ouest. | |
capodastre |
Tu n'arrêteras pas de me surprendre!!! Si Obélisque avait été là , çà se serait passé autrement . Enfin , pauvre romaine elle ne saura jamais ce qu'elle a perdu . Amitiés | |
TANGO |
Wow, la fin de ton écrit, je l'avoue, m'a laissé une impression étrange. Je n'arrive pas à me décider s'il faut rire parce que la prompte réaction de la romaine est tellement excessive, que ça en devient tragiquement comique, ou bien s'il faut pleurer le pauvre gaulois victime de l'étroitesse d'esprit de cette femme. Un écrit qui fait réfléchir en tout cas ! Amitiés |
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malombre |
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