De sa voix clapotante, de sa robe limpide,
De son eau chatoyante, le ru me prit la main.
Puis d'un pas bondissant, il s'enfuit en sous-bois.
Et l'astre déclinant semblait dire : « Ose et va,
Suis mon riant ami, je te verrai demain. »
Alors je le suivis, cet espiègle rapide.
Sous les rameaux dorés, il s'était ralenti,
Et son chant étouffé retrouvait son sérieux :
Dans la cathédrale des vénérables chênes,
S'imposait un voile de piété sereine.
Sur la profonde mousse, je me fis silencieux,
Écoutai la voix douce, le murmure du lit.
Et puis mon compagnon, par ses sinuosités,
Clapotis, tourbillons, me mena en son antre :
Un paisible plan d'eau, havre de solitude ;
Nénuphars, saules, roseaux, tout était plénitude.
Peut-être cet étang recelait en son ventre
Quelque esprit envoûtant, quelque divinité.
Fugace et incertain, le ru désorientant
Me mena bien trop loin : aux portes de la nuit,
La sylve se dépare, entre à l'ère lunaire.
Filtrée, torturée par la futaie, la lumière
Des rais blafards, blanchâtres, vouait aux sons de minuit
Un mystérieux théâtre, un écho inquiétant.
Délaissé, égaré par mon faux fil d'Ariane,
Trop longuement j'errai sous les hululements,
Et parmi ces pupilles brillant dans le noir.
À la moindre brindille, au moindre bruit de loir,
Soudain je m'éveillais, mais guère pour longtemps…
Et bientôt je cédai aux sylvestres arcanes.
Mais j'aperçus alors au loin une lueur,
Pleine de reflets d'or, comme surnaturelle.
Mû par quelque intuition, je voulus m'approcher ;
Une étrange émotion paraissait me toucher.
Pas à pas, je suivis le chemin des noctuelles,
Et j'entendis la vie, j'entendis la rumeur.
C'était une clairière aux étranges couleurs
Hypnotiques, et légères ; d'irrésistibles doux
Parfums appétissants entouraient de mielleuses
Mélodies, aux accents lyriques, et chaleureuses.
Cet endroit si sensuel, aux si délicieux goûts,
Était-il bien réel, ou n'était-il que leurre ?
D'un air pantois j'entrai, et le vis habité.
Que leurs cheveux dansaient quand ils me firent face !
Pleins de magnificence ; leurs traits faits de finesse ;
Leurs yeux, d'intelligence ; et leurs mains, de souplesse ;
Leur âme emplie de paix, leur corps emplis de grâce,
Sous mes yeux surgissaient les Elfes tant contés.
Transcendé par leurs rires, je me joignis à eux.
Je bus leurs élixirs bien plus qu'à satiété
Et dansai, entraîné par leurs folles cadences,
Jusqu'à être emmené au bout des réjouissances.
Dans les saveurs troublantes, dans les joies endiablées,
Les rondes enivrantes, je m'oubliai au jeu…
Lorsque m'extirpèrent de ma douce torpeur
Gazouillis et lumière, je ne sus où j'étais.
Je vis autour de moi touffes vertes, épis d'or.
Tous mes sens en émoi, ils résonnaient encor
De cette rêverie, cette imagination.
C'est alors que je vis à mes pieds un lampion…
La rosée brillante me fis lever la tête :
L'étoile flambante fière de la vigueur
De son char accueillit chaudement mon retour
Dans son ardent pays d'un éclatant « Bonjour ! »
À la forêt, au ru et toutes leurs splendeurs
J'adressai mon salut et repartis en fête.
Écrit par cletho
"I am the master of my fate. I am the captain of my soul." (W. E. Henley)
Catégorie : Divers
Publié le 25/02/2016
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