Aux jours de la colère je marchais à travers champs
Ô mon grand pays sinistré
Je piétinais aussi des contrées voisines
Mon cœur bat avec mille cordes,
C'est pour toi, le passant
On est seul sur les rocades
Direction grand ouest

Je viens de loin,
J'aime les étendues étoilées
Et toi?
Elles te font tressaillir ?
Sur les toits de la ville
Je hérisse ma barbe
Dans ton chandail j'enfonce le menton
Le bonheur des courageux

Et la pluie de Brest
N'assombrit pas mes rimes
Quand la nuit se disperse
Quand elle part au travail
Et ton chien s'agite dans les fourberies de l'air frais
Au balcon
Je viens dans ton lit
Pour sillonner les méandres obscures

Aux jours de la colère je n'avais pas peur d'aimer
Je gravais des poèmes inouïs
Sur les étendards de la solitude
Mon parcours d'aigle dans la splendeur de tes draps
Les soubresauts de nos jeunesses

* * *
Nos sentiments sont en quarantaine
J'ai réussi à toucher le temps
Il a des épaules osseuses
Il sent les hivers et écharpes
Sont-ils les nôtres ?
Le temps a ses blessés
Dix minutes de silence face au vent
M'ont rendu aux pins chétifs
L'océan est blotti sur ma nuque
Défenestré et folâtre
Le soleil s'émerveille à ses premiers cheveux gris
Aide-moi à bâtir mes réveils au matin
Je suis seul sur le chantier

Oui, le temps avait ses blessés
J'en étais un
Où est ce printemps débridé ?
Il fait son trajet dans la mémoire
Les trouvailles des mots dans la vapeur
Nos bouches passent à gué
Le froid constant.