Vie sentimentale de Ronsard

Je suis, di-je, Ronsard, et cela te suffise:
Ce Ronsard que la France honore, chante et prise,
Des Muses le mignon, et de qui les escris
N'ont crainte de se voir par les ages surpris
Alors que tout le sang me bouilloit de jeunesse
Je feis aux bords de Loyre une jeune maîtresse
Cassandre estoit son nom, dont ce grand univers
A cogneu la beauté fameuse par mes vers
Après ardantement je m'espris de Marie
Que j'aymay plus que moy, que mon coeur, que ma vie,
Son païs le scais bien où cent mille chansons
Je composé pour elle en cent mille façons
Mais ô cruel destin, pour ma trop longue absence
D'un autre serviteur elle a fait accointance,
Et suis demeuré veuf sans prendre autre party
Des l'heure que mon coeur du sien fut departy,
Maintenant, je poursuy toute amour vagabonde
Ores, j'ayme la noire, ores j'ayme la blonde
Et sans amour certaine en mon cueur éprouver,
Je cherche ma fortune où je la puis trouver,
S'il te plaisoit m'aymer, par tes yeux je te jure
Que d'une autre amitié jamais je n'aurois cure.

N'est ce pas fort mélancolique ?