Je suis las,
Et le froid me gagne
Tard dans le soir,
Prés de la table en bois
Sous le grand chêne,
Au feuillage friable
Qui ne frissonne plus,
A l'automne venu.
Seul le bruit de ses branches fragiles
Qui se cassent sous le faible effort du vent,
Accompagne ses instants calmes et paisibles.

Tout à coup une tempête se lève,
Mon esprit se bouleverse
Tant mes yeux sont pris d'effroi
Devant à ce corps prostré
Nu et noir en face de moi,
Qui ne bouge plus :
Ses chaines sont lourdes,
Il ne sourit plus :
Sa tristesse est grande,
Qui ne pleure plus :
Il a perdu son âme.
Son dos lacéré ne laisse aucun doute,
Longtemps il a été fouetté,
Sa chair est devenue sculpture
Taillé sans aucune pitié
Par ses bourreaux qui se disaient maîtres
Alors qu'il étaient des traîtres
Envers la race humaine.
Son visage n'a plus d'âge,
Trop marqué pour l'identifier,
Dans mes bras il s'est abandonné
Sans même avoir eu le temps de prier.

Toute son existence
Il ne l'a pas vécue,
Toute son existence
N'a été que torture,
Mais sa mort l'a rendu heureux,
En lui brisant ses chaines
Qui le retenaient à eux,
Et dans la nuit son corps s'est évanoui,
Épanoui, car maintenant
Il va pouvoir vivre en paix et libre,
A côté du grand chêne,
Là où je l'ai enterré,
Avec l'espoir de me faire pardonner,
De ne pas avoir dénoncé
Cet esclavage contemporain
De nos cités oubliées.