La lenteur, l'habitude, la discipline sont mes maîtresses.
Je pourrais ordonner un monastère ou un couvent.
Saint-Bernard est-il l'homme qui créa la vigne ?
Il fit des jardins, des hommes pour les contempler...
Non, il n'y avait pas de femmes en ce temps-là
ou elle étaient si lointaines...
Plus proche est ma pensée de ce que j'épouse en elle,
plus je la sens qui veut mettre du désordre.
Je n'y tiens pas trop.
Souvent, on rit de moi,
parce que je reste à sourire
comme si j'étais un idiot.
Mais je me consacre à la pensée !
Qu'ils l'ignorent, ses signes sont de l'or !
C'est que je n'ai plus qu'elle comme lien, je crois,
on m'a tout pris de ce qui m'avait appartenu,
si je possédais quelque chose...
et peu m'importait alors.
Maintenant que je suis vieux,
je songe à l'argent de mes cheveux
- verront-ils la blancheur de la vieillesse ? -,
à mes lunettes, à mon visage fripé.
Ai-je jamais été un beau jeune homme ?
Noble, altier, ferme...
pensant quel avenir il se créera.
Non, je n'ai jamais cru que ce serait si facile.
Il faut être dur avec soi-même,
intolérant quand d'autres vont dans le même sens que vous,
et pourtant leur céder le chemin :
ils accompliront ce que vous ne vouliez pas accomplir.
Ils y viendront, où d'autres sont venus.
Le monde est en éternelle révolution,
la roue tourne si le moyeu en est usé.
Nous voyons le même ciel, du soir au matin,
changeant, divisé contre lui-même
quand il engendre la foudre
ou nous troublant un instant
lorsqu'il s'éclaire ou se masque ;
pourtant, ce n'est jamais deux fois le même.
J'aurais aimé être peintre.
Ecrire est peut-être plus reposant pour les yeux.
Je n'en saurai rien.
Mais combien de gestes perdus !
Le fils de la colère s'acharne contre son père :
il peint des tragédies grecques...
Ah ! si j'ai encore un printemps à venir,
qu'écrirai-je ?
J'en dirai plus une autre fois,
car j'ai sous les yeux la seule saison
qui s'accorde à mon âme,
et réclame le silence...
Je dédie ces lignes au poète Friedrich Hölderlin,
et à son amour Suzette Gontard,
qui fut reine et rose,
à peine déclose qu'emportée.
La mort de celle-ci le précipita vers la folie.
Écrit par jacou
L'art alchimique me tue, me transmute, me sublime. J'en renais plus fort, poétiquement. À suivre.
Catégorie : Amitié
Publié le 01/06/2014
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Ce poème est magnifique. Le passage que je préfère : "souvent on rit de moi parce que je reste à sourire" Justement ! C'est le plus important ! Merci pour ce poème |
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Fleuraye |
j'espère qu'il y en aura des printemps encore, pour savourer ta magnifique écriture pleine de générosité, merci très cher ami jacou c'était un réel plaisir de suivre cette histoire de bout en bout... bien à toi ton ami zeste |
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zeste |
Un grand merci, très chers Fleuraye et zeste, pour vos lectures attentionnées, et vos commentaires qui me vont droit au coeur. Amicalement. |
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jacou |
RESTE LE POÈTE QUE TU ES! AVEC MON AMITIÉ | |
flipote |
Merci très chère flipote pour ton commentaire qui me touche profondément. Cordialement. |
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jacou |
Merci très cher jacou pour cette 4e partie qui termine votre poème en apothéose ! Après des pensées éparses devenant peu à peu moins contrôlées, c'est tout le poids du destin et des années envolées qui s'abat sur ce grand poète. La force de son jugement lui montre la terrible vérité dans sa pure nudité, sans lueur d'espoir artificielle. Je regrette de ne pas avoir le temps de la commenter plus en profondeur, car elle regorge de trouvailles très intéressantes, chaque strophe montrant subtilement un pan du point de vue subjectif de l'artiste, derrière la cohérence logique qu'il s'impose à lui-même. Bien à vous. Florent |
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Florent |
Merci, très cher Florent, pour votre lecture très chaleureuse. Ne vous inquiétez pas : la concision, la densité de votre commentaire en disent déjà beaucoup et sa profondeur se juge à l'aune des remarques que vous faites. La tentative de restitution de la folie, par un flux de la pensée qui se reprend continuellement, me semblait attester modestement de la vie intérieure de ce créateur d'idées et de formes. Cordialement. |
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jacou |
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