Je suis parti chasser non loin de la maison
Le sol était givré, et la pluie tombait grise
Prenant le chemin creux, à rebours de l'église
Traversant le village au fort de la saison...

J'avais mon chien Lucky, son beau pelage roux
Confondu dans l'automne aux teintes des feuillages
Nous étions seuls, il n'y avait pas un visage
Pour saluer d'un geste ou condamner d'une toux.

La boue collait à nos pattes transies par l'eau
Lucky cherchait déjà à flairer une bête
Moi, sans rêve, je ne voulais pas qu'on m'embête
Je me faisais l'effet, alors, d'être un salaud...

Une heure passant, nous sommes rentrés bredouilles
L'aube incertaine avait des couleurs d'alcools forts
Un animal m'avait convaincu que la mort
Epandue de la sorte était art de fripouilles.

"Je regardais là-haut monter les oies sauvages"
Et moi, Terrien de rien, habitant des masures
Je niais cette beauté que distribue l'azur
Mon œuvre de chasseur n'était qu'ancien ravage...

J'ai cassé le fusil, vendu la maison verte
Tirant un trait d'acier sur ce passé jauni
J'ai créé une assoc' où nous sauvons des nids
Et Lucky et moi jouons dans les allées couvertes.

(Dédié à Michel Delpech et sa chanson "Le Chasseur")