Salomé ne tapissait pas autrement les murs de la forteresse où elle tenait son baptiste, que vous n'avez étalé, ô journaux d'aujourd'hui, au nez du passant et l'attelant par le cou en sûrs guides des extases indécentes, les nouvelles tables de la loi, qu'Hérode, remontant sa généalogie afin de s'estimer roi, ne trouvait en plus d'un site quelque prophétie ancienne, si didactique qu'à s'en brûler les doigts il n'en arracha le sens, et dans la conversation indiscrète de sa danse pensive avec l'élémentaire questionnement - le moyen mène-t-il à la fin ? ou la fin gouverne-t-elle la voie ? -, lâchant de temps à autre un mot sonore qu'un écho augural brandissait aux poutres du plafond ("j'aime la belle tête barbue que voilà !", "tu l'auras, ma fille, ma fille... saches cette virilité consommer, et ne te trompes pas de sens quand parvenue aux extrémités tu le cha...pitreras..."), trouvait encore la ressource - Flaubert n'eût pas autrement dit, si ce n'est qu'économe en incidentes il ne dispersait pas ses motifs - d'aller quérir en l'arbre originel une phrase spécialement ciselée pour lui, cependant que ravi au prestige d'une vestale dévastée par l'ambitieuse paternité, il la prolongeait en amont du temps vers Judith, une aïeule peut-être, et résorbait en lui l'immense plaisir d'être investi en cette décade afin d'orienter l'histoire, de lui faire subir une de ces crises cruciales par lesquelles, se complaisant aux crimes, elle désespère l'un pour forger l'autre, pourtant même argile et même souffle.

Hérode faisait annoncer, dans la poussière de l'après-midi finissante, dans la Judée qu'il chérissait parce qu'un ancêtre l'avait bénie sans la fouler, à son peuple égayé dans le doute temporel, qu'il convenait d'en rester là, que l'interrogation vaut mieux que l'assurance d'une histoire incertaine dont les prolongements fiévreux allaient bouleverser le monde, abattre des dynastes et des empires, vouer au meurtre le sein des familles patriarcales, et d'autres tutti quanti que le Romain dominateur n'avait pas encore inventé.
Ses paupières ridées adoucies en l'atmosphère sereine d'un crépuscule rose qu'un autre Gustave peindrait*, il s'assoupissait peu à peu, les danses tardant à finir le barbant, ses papilles gustatives, ses scrupules moraux comblés par les puissances diverses l'assurant qui s'étaient battues et assagies en son for, quand, glissant vers l'antre obscur que les devins ont toujours redouté, il perçut la dernière lueur d'un soleil apollinien au cou coupé ainsi qu'une tache sanglante épandue sur le monde avant de verser à tout jamais dans la révolution des siècles que la postérité évangéliserait, mais de tout autre façon qu'il songeât, déjà endormi dans les bras d'un Dieu agonisant avec ce jour premier d'une intense cavalcade à venir où deux milliards d'hommes auraient à concourir.

* le peintre Gustave Moreau qui, tout comme Gustave Flaubert dans une nouvelle, a illustré l'histoire de Salomé faisant décapiter Jean le Baptiste devant son père Hérode, roi de Judée

Écrit par jacou
L'art alchimique me tue, me transmute, me sublime. J'en renais plus fort, poétiquement. À suivre.
Catégorie : Spiritualité
Publié le 24/06/2015
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Commentaires
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Posté le 05/04/2016 à 13:16:10
C'eût été mieux sans la petite étoile finale ! Il en faudrait alors beaucoup d'autres pour signaler bien d'autres allusions littéraires, ne croyez-vous point ? Beau jeu intellectuel mais je n'adhère pas vraiment. Le sujet m'est trop éloigné.
Moi80
Posté le 05/04/2016 à 17:22:15
Merci Moi80 de vous être attardée à lire ce texte gorgé en effet de réminiscences. Le commentaire est judicieux, il faut parfois élaguer l'érudition, mais je ne sais pas toujours comment faire.
jacou
Posté le 09/08/2019 à 23:09:41
Quel scandale , mon dieu !
J'en ai des frissons ...
Merci Georges pour ce style qui a rendu l'histoire encore plus impitoyable ....
Yuba
Posté le 10/08/2019 à 00:05:32
Assia, je te remercie du fond du cœur :)
jacou
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19/04 08:58Sarahg
Ok.
19/04 08:56Plume borgne
J'ai pas dit le contraire
19/04 08:52Sarahg
Non, les destins peuvent être merveilleux.
19/04 08:50Plume borgne
Tout se résume au livre ivre d'une vie de givre
19/04 08:00Sarahg
Remarque, un livre où tout est déjà accompli, ce serait pas mal.
19/04 07:45Sarahg
Ce serait un livre douloureux. Un livre a besoin d'une histoire, de vie.
19/04 06:43Plume borgne
Imagine un livre d'une page dont le titre serait livre dans lequel il n'y aurait que le mot livre en préface en histoire et en résumé
17/04 07:42Sarahg
"C'est pas marqué dans les livres que l'plus important à vivre est de vivre au jour le jour, le temps c'est de l'amour..."
17/04 07:25Plume borgne
Les décisions sont un fléaux
17/04 06:51Sarahg
Indécis et ancré à la terre du destin.
17/04 05:00Plume borgne
Essaye d'imaginer quelque chose en étant le plus indécis possible
17/04 02:47Sarahg
Imagine qu'il n'y ait jamais de tristesse indicible
16/04 08:28Plume borgne
Imagine qu'on parvienne à tuer l'ennui
15/04 10:58I-ko
imagine qu'il n'y a rien à tuer ou à mourir
15/04 05:16Plume borgne
Pourquoi ne pas imaginer l'imagination ?
14/04 04:41Bleuet_pensif
Si seulement cette imagination était réelle...
14/04 04:31I-ko
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12/04 07:39Ocelia
Imagine les gens vivant pour maintenant, imagine si le paradis était un mensonge. Lennon
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