Je me croyais élu.

J'allais aux Halles, écouter un choeur de croyants
évangélysant leur prose qu'ils avaient mise en chants.
D'une guitare pas assez céleste
coulaient des notes brusques.
Les Parisiens fuyaient ou, captifs, s'arrêtaient,
comme au bord de la route on abandonne
l'animal domestique qu'est la conscience.
Moi, j'obéissais à un appel,
et déjà me parais dans un "moi,je" qui m'enrobait d'une essence autre.

Spectateurs et acteurs, nous formions une ellipse,
une parabole dans un recoin de la ville non loin de Beaubourg.
Son parvis dégradé dissonait avec celui de Notre-Dame,
devant se hausser, pensais-je,
pour symboliser l'élévation spirituelle.

Je me croyais élu,
et volaient les colombes autour de moi dans la paix des cieux,
des pigeons aussi par-dessus et l'aumône qu'ils infligent.
Parmi ces gens, je ne me voyais plus couronné de lumière,
mais d'une épineuse question sous mes cheveux salis :
qu'étais-je venu parodier ici ?

Cette scène sentait l'étrangeté des temps modernes :
l'archaïque rue et l'art que chacun fait consoner à son âme,
s'il accepte encore cette évocation évasive,
s'instituant porteur de sa propre parole,
et faisant performance de son corps de gloire,
élevant un téléphone mobile à hauteur de tympan,
à son oreille dans le froid comme une rosace.

J'élidais vite mes ailes,
et ce que je croyais avoir
j'en fus possédé un seul jour,
et plus jamais depuis lors.