Ludwig dans son jardin secret ici repose
Son château est bâti comme un gâteau d'amandes
Il aime devant son miroir prendre la pose
Ecoute des arias qu'en sa chambre il commande
Il se lève et marche à travers l'allée profonde
Son corps grand et lourd n'a plus l'allure d'éphèbe
De ses jeunes années, et le royaume qu'il fonde
N'est fait que du songe ou des nuées de l'Erèbe
Ludwig a des palais ravissant la Bavière
Son peuple l'aime, or rare est souverain lauré
Il est lui-même une âme au cours de la rivière
Se mariant, pour atteindre un estuaire doré
La folie de commettre un péché, démesure
De ses désirs d'hommes, de châteaux d'Allemagne
Rivalisant de rêve, et ruinant à mesure
Son royaume adoré, avec ceux de l'Espagne
Richard compose un air d'un opéra grandiose
Qu'il jouera à la cour de Ludwig son ami
Le trésor du roi est une estimable chose
Certains sont les Wagner des notes qu'on a mis
Ce roi décati est le semblant d'un artiste
L'esprit bourgeois d'Europe en veut pour sa folie
A-t-on idée, en ce siècle de fer si triste
De faire jouer des scènes de théâtre au lit ?
Le frère est enfermé entre des murs d'asile
Si ce n'est toi c'est donc...que l'argent est le roi ?
D'où vient qu'un souverain se conduit tel qu'aux îles
Dorées d'azur sableux, dont il s'offre les droits ?
Le colibri libre et sacré dans son vol vibre
Comme un coeur d'or dont l'âme en fleurs se vaporise
Expiant son pouvoir sobre où tient en équilibre
Tout l'univers d'un art que l'amour autorise
La fiancée en confiance a froncé le sourcil
Quand l'homme a pris sur elle un droit que la nature
Élabore en forme d'étamine et pistils
Pour attirer le mâle, et un monde aventure
L'arbre aux branches cassées qui se tait, séquoia
Sait qu'il va mourir un jour dans six mille années
Les hommes fourmis ont des propos qu'il oyat
Quand jadis ils crurent, nus, le déraciner
La baleine nageant que l'océan caresse
Et fait étinceler de scintillants éclats
N'a nulle peur de ces requins qui apparaissent
Mais son huile et son lait sont les proies d'hommes là
L'étoile a pleuré, qui s'étalait sur la toile
Avec ce geste étrange où la couleur, du vieux tube
Issue, macule la sphère épandue tel un voile
De Marie qu'on prie, par un peintre où l'or incube*
Le roi attise encor ses pensées qui sont fleurs
Il a lu ce poète aux vers bleus adorables**
Et sait que son esprit trop le délire effleure
Et qu'un docteur ès "rien" tombera sur son râble
Alors, envoûté dans un hôtel de candides
On lui présentera l'âcre hostie de l'autel
Pour calmer son âme et son coeur aux vues splendides
Ayant semé châteaux et opéras d'Untel
Alors, Ludwig ira son colibri rejoindre
Sa fiancée violée par la beauté de son homme
Consoler, l'arbre immense en religieux pleurs l'oindre
Dormir sur le dos des baleines d'un grand somme
Et, sur son astre hissé, suivant des galaxies
Le fatal voyage au long des voies lactées
Il hurlera comme mort que torture occis
Echappant lors au sort en son encontre acté
*Van Gogh
**Hölderlin
Écrit par jacou
L'art alchimique me tue, me transmute, me sublime. J'en renais plus fort, poétiquement. À suivre.
Catégorie : Histoire
Publié le 04/03/2018
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une fresque parfois empreinte de blessures mais une envolée lyrique de qualité merci jacou:) | |
romantique |
Je vous remercie Romantique pour votre message, et votre perception fine de la souffrance de l'idéal voisine de la folie. :) | |
jacou |
Cette histoire est belle Jacou ! d'un roi humain qui artiste et fou sort de l'ordinaire..il faut un talent d'écriture comme le tien pour la rendre poétique ! Ta plume en caressant un mythe nous en fait découvrir des secrets émouvant dans sa vie... Je l'ai respecté pour sa prononciation contre le travail des enfants( ma sensibilité ajoutée à une certaine déformation professionnelle ..lol)...grand merci à toi Jacou ! Amitiés :) |
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Yuba |
Merci Yubanca pour tes lignes chaleureuses et réconfortantes ! J'avais vu un beau film de Luchino Visconti sur ce roi, "Ludvvig", qui a fait bâtir de fantastiques châteaux et aimait les arts, notamment l'opéra, par dessus tout. J'ai essayé de rendre dans certaines strophes les idées étranges qu'il devait remuer dans son esprit tourmenté et somme toute poétique, avant qu'il bascule dans la folie qu'on enchaînait à l'époque... Je suis ravi que cette évocation historique t'ait plu. Amitiés. :) |
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jacou |
Tu me laisses sans voix quelle belle poésie, merci, Georges, pour cette lecture. Amitiés |
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lefebvre |
Merci Daniel, ton appréciation me touche profondément. Amitiés. |
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jacou |
C'est lui qui vivait dans un château Disney loL... je me souviens avoir vu un reportage en classe d'allemand sur ce fameux personnage historique, une reconstitution le montrait sillonnant les eaux niché sur un cygne-bateau dans son endroit féérique... Ce poème est magnifique, il lui rend superbement hommage ! Je pense que tu serais un excellent guide poétique, ce devrait être un nouveau genre de tourisme, pour mieux apprécier les merveilles culturelles... merci Georges ! | |
grêle |
Merci Marine : c'est bien ce personnage étrange, Louis II de Bavière, ce roi réel d'un royaume réel, mais vivant dans des châteaux de contes et se shootant aux opéras de VVagner, dont j'ai ici tenté de portraiturer les songes tourmentés, car il perdait la boule ; c'était un trouble familial. Visconti a réalisé un film magnifique sur Ludvvig. Si tu consultes sa fiche VVikipédia, il est de fait que le tourisme bavarois est boosté encore de nos jours par les châteaux merveilleux qu'il a fait bâtir... Guide poétique ? Pourquoi pas, lol ! | |
jacou |
J'ai eu la chance de vadrouiller du côté de Munich, et surtout de visiter deux des plus fameux châteaux de Bavière (construits par le père de Louis II) : Hohenschwangau et surtout Neuschwanstein, dont Disney s'inspira : des lieux féeriques, majestueux, surplombant lacs bleus et vertes forêts. Quant à Louis II, ce souverain qui n'était pas né pour être roi, sa soi-disant "folie" est assez bien retranscrite ici. Et l'on ne sait toujours pas précisément comment il est mort... |
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Eric Dargenton |
Merci beaucoup Eric Dargenton pour votre commentaire qui apporte d'utiles informations ! Ainsi, Neuschvvanstein est bien devenu l'archétype des châteaux de contes de fées par le truchement de Disney... Comme dans tous les cas de "folie", il est difficile d'établir un diagnostic sûr, plus encore si le patient est un roi en exercice. Vous avez bien raison : il circule de nombreuses rumeurs sur sa mort, qui serait soi-disant un suicide à la suite d'une bagarre avec son médecin, qu'il aurait réussi à noyer d'abord dans un lac. Mais par ailleurs, dans les années 1860, la Prusse de Bismarck avait l'intention d'unifier l'Allemagne par tous les moyens possibles, et ce souverain rêveur et peut-être un peu "fou", régnant sur le grand royaume de Bavière, semblait un obstacle à ces projets. De là à penser qu'il puisse s'agir d'un assassinat politique afin de se débarrasser d'un roi populaire et pas si lunatique que cela, du reste plutôt opposé au projet d'unification allemande... |
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jacou |
Superbe poème tapissé dans sa royauté et sa folie imaginaire. Merci Georges pour ce panorama grandiose qui surélève ton talent poétique. Belle nuit à toi, bisous. | |
suane |
Merci Stéphanie pour ton enthousiasme de lectrice attentive, qui utilise ici un terme tout à fait adéquat pour qualifier la situation : "surélève". Louis II ne voulait pas être roi dans sa jeunesse, il se voyait plutôt comme un artiste, mais un roi, ça se dresse, ça s'élève dès l'enfance et même ça se surélève. Folie imaginaire ? Oui, tu as le mot de la fin, car il se peut bien qu'il ait simulé la folie pour s'éloigner de sa cour, qui lui répugnait, et se réfugier dans ses châteaux avec des artistes... CQFD. Belle nuit à toi, bisous. | |
jacou |
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