Bruits de chaînes traînées et de chairs qu'on lacère. Je me guide aux bruits, enfermée dans ce labyrinthe. Je sais maintenant que je dois éviter le lieu où se fait le dépeçage des victimes. Des bouchers travaillent jour et nuit à de grands massacres sous les lunes gibbeuses et les soleils pâles.

J'ai pénétré dans ce repaire de tueurs à l'improviste, par l'étroit vasistas qui baillait aux corneilles. Un fouillis de viscères tapit le sol jusqu'aux chevilles. J'avance parmi de gluants morceaux de cadavres en décomposition.

C'est un vrai camp de prisonniers que cet endroit maudit. On y tue sans fin, pour les humeurs torves de la nature humaine sous son exécrable jour.

Cadavres dilacérés, disséqués. Pauvres éclopées qu'on crochète et ramène au centre de l'espace sacrificiel, au-dessus d'un puits sans fond où des baquets de sang glougloutent. C'est l'épicentre du labyrinthe, le lieu de toute infinitude, une pure horreur qu'un King ou un Lovecraft peindraient mieux que moi, qui n'ai que mes yeux et mon portable photographiant des vues obscènes…

Jamais un forum du dark net n'admettra mes témoignages. Mais j'ai subi tant d'horreurs et vu tant de charniers, de combats, que mon cœur se soulève puis se discipline. J'ai bien sûr vomi mon dernier repas, au début…

Enfin, j'atteins l'endroit des stalles, où sont détenues les victimes, abruties, hébétées à coups de seringues de formules opiacées. Somnolant, elles gisent sur les dalles ensanglantées, sous des crochets d'acier. La puanteur épouvantable m'a fait refluer, presque en panique. Mais je dois prélever mes documents !
Alors, j'avance…

Une chose bouge, pauvre agrégat de matières ignobles qu'on n'a pas terminé de découper, avec des ustensiles malsains dont un chalumeau. Pourquoi un chalumeau ?

Photos jusqu'à en crever, paniquée, en sueur.

Je veux m'en sortir vivante. J'entends les tueurs qui approchent pour prélever une nouvelle innocente à dépecer…

Arrière ! Je dois témoigner de l'ignominie !
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Voici, je tiens dans mon appareil un abattoir de vaches. Pauvres bêtes de papier à mâcher !