Isidore Ducasse enfiévrait mes lectures
Dans ces temps-là j'étais pris par le Bateau Ivre
Lautréamont, Rimbaud présentait leurs factures
L'inimitable écrit me permettait de vivre
La vie en marge des adolescents pressés
Baudelaire affleurait, son Mal est un vertige
Je découvrais Artaud le jeune homme dressé
En ses nerfs affligés de secousses qui figent
Grâce au surréalisme, imbibé de Roussel
Raymond*, par ces deux-là j'étais en un théâtre
Convié, et mon esprit flambait leurs étincelles
Jusqu'à ce que Hölderlin vînt attiser mon âtre
J'étais fou à lier, je disais : « On me pense »
Ainsi qu'Arthur* écrit, et j'étais révolté
La poésie devint l'inutile dépense
J'avais la politique en mes actes d'athée
Je n'avais pas la foi, si je suis à confesse
Les vers me soulevaient, puis je retombais las
Jaloux de la beauté, de tout ce qu'on professe
Je quittais mon lycée en faisant des éclats
Me sauva le lien à André Breton le pape
C'est être aidé que goûter le surréalisme
J'aimais des romans, Proust et Flaubert les étapes
De mon retour au sol, après l'irréalisme
J'avais voulu comprendre un secret des arcanes
Mais à seize ans l'on n'a pas de vie bien solide
Je pouvais me méprendre aux traits de sarbacanes
Qu'Antonin* décochait, beau visage livide
Des romanciers bien plus nuancés sauvèrent
Ma tête enflammée par l'alchimie poétique
Marcel, Gustave, André*, proses que je révère
M'avaient sauvé des vers brûlants d'hérétiques
Le roman est un baume, un précieux émétique
Pour tenir tranquille en nous l'absolue conscience
Un jeune en a besoin, les vers sont fantastiques
Mais ils sont incendies des pauvres connaissances
C'est à trente ans que je revins vers les poètes
Cette fois par Eluard, Aragon, et puis Char
Apollinaire, après un détour de vie faite
Devenu plus solide, en mon esprit l'Histoire
Discipline à penser, avait fait son ouvrage
J'étais croyant et je mis ma foi en accueil
À toute poésie, qui revêtit mon âge
Plus mûr de la richesse au sein de ses recueils
Beauté de l'écriture où Mallarmé émarge
Musique de Verlaine où Paul Valéry danse
J'étais au centre, point fasciné par les marges
Mais Friedrich*, toujours en moi j'ai tes vers si denses !
*Raymond Roussel, Arthur Rimbaud, Antonin Artaud, Marcel Proust, Gustave Flaubert, André Breton, Friedrich Hölderlin (ce dernier, Allemand, ayant eu le bonheur d'être traduit par Gustave Roud et Philippe Jaccottet, autres poètes que j'admire tous deux d'origine suisse)
Écrit par jacou
L'art alchimique me tue, me transmute, me sublime. J'en renais plus fort, poétiquement. À suivre.
Catégorie : Poésie
Publié le 18/11/2019
|
Poème Précédent | Poème Suivant |
Poésie à découvrir... | Poèmes de jacou au hasard |
Annonces Google |
Tant d'illustres et différents noms dans un seul et même poème ! C'est très fort, merci de faire commencer aussi bien ma journée ! | |
Etienne de Mirage |
on me pense on me panse et tous ces pensements sur notre fièvre nous tirent vers le haut merci jacou |
|
marinette |
Superbes confessions, toutes ces influences et admirations t'ont nourri pendant des années où l'on se construit : l'adolescence ! Moi je n'aimais pas la lecture à cet âge et je le regrette beaucoup. Enfin, mieux vaut tard que jamais ! Ton poème est un joyau et je verrais même un livre ou une nouvelle de tes confessions pour faire durer le plaisir... (Quitte à faire de l'ombre à Rousseau !). Bonne journée et je te remercie, comme Étienne, de me faire lire une merveille dès le matin... | |
Ombellune |
Respects ! Que je mets au pluriel à Monsieur Georges pour ces confessions admirables et ce bain précoce dans un monde littéraire aussi dense et aussi riche, qui font comprendre l'origine du talent et des influences... Merci et vraiment bravo pour ce texte où tu as su unir autant de références sans rien perdre de la construction poétique qui convient au thème ! |
|
Yuba |
est ce qu'on a besoin de se parler pour faire la confession ou bien laisser les choses marchent telles qu'elles sont et les autres nous jugeront j'ai toujours certaines ambiguites concernant l'aveu personnellement j'eviter de me confesser sinon je tombe dans un cercle vicieux à toi jacou |
|
megapdg |
Bonjour Georges, Quelle inspiration ! Tous ces grands poètes ont su vous protéger dans vos lectures comme dans vos insomnies... sur le parcours de votre vie. Bien amicalement Lyse. |
|
marquisa |
Étienne, Marinette, Marine, Assia, Mega, Lyse, vos messages sont comme des bonbons que je croque, savoureux, à mon parfum de bonbon préféré : le citron ! Je vous remercie profondément. J'ai confessé ici ma première approche de la poésie, dont je croyais après Rimbaud qu'elle pouvait changer la vie. Plus tard, en vérité, j'ai compris qu'elle pouvait ACCOMPAGNER le changement de la vie, ce qui est moins magique mais combien délectable, et ouvre tant de perspectives pour voir le monde en mieux ! Telle était ma confession. |
|
jacou |
Georges je ne saurais décrire la beauté de ce poème bien que je l'admire mais ce que je ressens peut-être bien. Durant quelque temps vous avez cherché votre route et elle s'est ouverte devant vous comme une évidence. De lecture en lecture vous avez acquis tant de connaissances que je serais tentée de vous jalouser. Vous pouvez être satisfait de l'étendue de votre (science) de votre ouverture sur le monde et de votre esprit d'analyse. Un grand merci pour tout cela. Belle journée à vous. | |
roserose |
Rose, je vous dois un grand et vif merci pour tout ce que vous me dites, qui va tout droit jusqu'à mon cœur. Soyons jaloux alors l'un de l'autre, avec tout mon respect. Bonne journée à vous. | |
jacou |
Annonces Google |