Tu suis des yeux la lune qui luit sur les toits de tuiles
Sous l'illumination des étoiles ton stylo s'enfuit
Un peu d'encre a pleuré noire sur ton papier et la pluie
Crépitante ainsi qu'un jet de bijou frappe pour entrer, puis
Tu te plies à l'affût du Bic contre la froide vitre et la nuit
S'est emparée de ta cité qu'elle a recouvert d'un drap de suie

Tu écrivais en réceptacle émotif, urne de tes humeurs
Mais la vie est de terrasser de l'ennemi qui meurt
Et tu sens remonter en toi l'ancienne et haïssable tumeur
Cette colère instable dont tes nerfs sont la demeure
Alors vite une clope éternel plaisir des fumeurs
L'ennemi dont s'emparer c'est toi, tu te mets en demeure

« Mais vivre est la rivière alliée aux flux des fleuves
Puis la preuve de vie est somme des épreuves
Exister au plus haut des cieux nous veut des dieux
La conquête de soi est le combat fastidieux

La montée du poème et l'éventuelle extase
Tu l'attends accroché à tous ces mots sommaires
Dans l'almanach des vœux c'est décrit d'une phrase
La tête décolle, égorgement éphémère...

"À présent tu marches dans un chemin de toi
Menant à la douceur d'une allée forestière
Agitée par le vent s'émouvant à l'étroit
Qui circule et se rend à la nature entière

Et cette allée t'appelle, au saule riant triste
Au troëne trônant, à l'invincible chêne
Comme si tu étais de ces arbres l'artiste !
Toi qui fus un frère d'automne en ta semaine…

Mais pas le dimanche ! Tu es inestimable ! »
*
Te réveillant toi l'écrivain tu vois la vitre
Osciller comme nef sur des eaux qui bourdonnent
C'est loin en toi que tu sens quelle est ton épître
Tout ton être perçoit que ton cœur s'abandonne
Ce stylo qui a fui n'était là pour personne
Car Personne devient toi quand la Mort l'ordonne