La Lune illuminait ta mine en la ruelle
L'ange pleurait criblant visages de cruelles
Beautés pour ces tombeaux où les Lénore meurent (1)
Dans leurs corps beaux voués à n'avoir pour demeures
Que les foyers brûlants des tendres créatures
Des êtres à entendre et aimer sans ratures

-

L'ange « Mélancolie » a des temps qui durèrent (2)
À ne pas meurtrir en toi les candeurs d'hier
Dialogue des vers sur la Sorgue de René
T'ôtant Transparence foudroyée d'où renaît
Le Lunisolaire vagabond d'un lent barde (3)
En la surréelle alliance où silence garde

-

Mais dire est son mal ou prédire ou bien maudire
Des maux dits le « faire en vers* » n'a de s'en dédire
Pouvoir d'un chant du monde au sein secret de soi
Des écueils du langage un ange tisse soie
Le Soleil et la Lune essors d'Éros s'ils veillent
Ou sommeil d'une au cœur de rose ils s'émerveillent

*-*

_*_

Notes :

* En allemand, poétiser se dit « Dichten », qui se traduit par le « Dire », mais le sens littéral est : « faire des vers ».

(1)
La Lénore du poème « « Le Corbeau / The Raven » représente la plus belle femme qui soit, la plus désespérément de sa beauté ôtée du monde faite privation du poète qui a l'idéal du Beau.

(2)
« Melancholia » est une gravure du peintre Albrecht Dürer représentant un ange et que des spécialistes de l'histoire de l'art éminents associent à la dépression (Erwin Panofsky entre autres).

(3)
Les « Transparents, vagabonds lunisolaires » du poème de René Char sont des gens libres, communiquant simplement, que rien n'attache, et dont rien ne pèse d'une présence non souhaitée.