LE CHIEN ET LES CHACALS !!!!! 1671
Du coquin que l'on choie, il faut craindre les tours
Et ne point espérer de caresse en retour
Pour l'avoir ignoré, maints nigauds en pâtirent.
C'est ce dont je désire, lecteur, t'entretenir.
Après dix ans et plus d'homériques batailles,
De méchants pugilats, d'incessantes chamailles,
Un chien était bien aise d'avoir signé la paix
Avec son voisin, chacal fort éclopé
Qui n'avait plus qu'un œil, chassieux de surcroît,
Et dont l'odeur, partout, de loin le précédait.
Voulant sceller l'événement
Et le célébrer dignement,
Le chien se donna grande peine
Pour se montrer doux et amène.
Il pria le galeux chez lui,
Le fit entrer, referma l'huis,
L'assit dans un moelleux velours
Et lui tint ce pieux discours :
« Or donc, Seigneur Chacal, vous êtes ici chez vous !
Profitez, dégustez, sachez combien je voue
D'amour à la concorde nouvelle entre nous !
Hélas, que j'ai de torts envers vous et les vôtres,
Et comme je voudrais que le passé fût autre !
Reprenez de ce rôt, goûtez à tous les mets,
Ne laissez un iota de ce que vous aimez ! »
L'interpellé eut très à cœur
D'obéir à tant de candeur.
La gueule entière à son affaire,
Il fit de chaque plat désert
Cependant que son hôte affable
Se bornait à garnir la table.
En parfait comédien, en fieffée chattemite,
Il dit : « Mais, j'y songe, mon cher,
Nous voici faisant bonne chère
Quand je sais là, dehors, ma pauvrette famille :
Mes épouses, mes fils, mes neveux et mes filles,
Mes oncles et mes tantes que ronge la disette,
Toute ma parentèle tant nue que maigrelette.
Allons-nous les laisser jeûner jusqu'au matin ? »
"Certes non ! » répliqua, prodigue, le matin,
Qui se leva, ouvrit, et devant qui passèrent
Quarante et un chacals parmi les moins sincères.
Des grands et des menus, même des minuscules.
Ils avaient tant de crocs, de rage et d'appétit,
Ils mangèrent si bien que petit à petit
Jusqu'à ce qu'à la fin il n'en restât plus rien.
Ce que voyant, l'ingrat bondit :
« Ah ça, compère, je vous prédis
Et tout affamés nous laissez
Tandis que vous allez repu,
La trêve entre nous est rompue !»
Ayant alors, quoi qu'il eût dit,
Retrouvé forces et furie,
Il se jeta sur son mécène,
Et en une attaque soudaine
Il lui récura la toison,
Aidé de toute sa maison.
Puis, le voyant à demi-mort,
De chez lui il le bouta hors.
Et l'infortuné crie encore
« La peste soit de mon cœur d'or ! »
Retenez la leçon, peuples trop accueillants :
À la gent famélique, point ne devez promettre.
Ces êtres arriérés, assassins et pillards
Vous en invitez un, l'emplissez d'ortolans,
Et c'est jusqu'à vos clefs qu'il vous faut lui remettre.
Jean de LA FONTAINE (1671)
(1671 ce n'est pas d'hier !)
Toute allusion avec quelques événements que se soient ne serait que pure coïncidence !!
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Ce poète était un génie ! | |
Edelphe |
Oui, Edelphe, un génie et un visionnaire qui aujourd'hui serait très mal compris surtout très mal vu. Je suis certain qu'après une telle déclaration beaucoup porteraient plainte pour racisme...mdr! Belle journée Amitiés Daniel |
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lefebvre |
La leçon est intemporelle, et nous serions tous bien inspirés de la bien méditer ! Merci, Daniel, pour le partage de cette fable criante de vérité, comme le sont toutes celles de Monsieur de La Fontaine. |
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Ombrefeuille |
Il y a toujours beaucoup à retirer des fables de La Fontaine qui, sous couvert de mettre en scène des animaux, savait si bien nous interpeller pour nous faire réflechir sur les travers de l’humanité. Merci pour cette piqûre de rappel... sans mauvais jeu de mots! Bien amicalement |
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Matriochka |
Bonjour, Ombrefeuille, Oui, Monsieur de la Fontaine savait donner des leçons, et quelles leçons! Quel dommage qu'il ne soit plus prit en exemple dans nos écoles, les jeunes auraient une autre éducation. Belle journée Amitiés Daniel |
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lefebvre |
Bonjour Matriochka, Les fables de Monsieur de la Fontaine ont servi d'exemple à des générations pendant des années. Trop ringardent pour les enseignants, elles ont été abandonnées, et nous en voyons aujourd'hui les conséquences, hélas! Les leçons de morales n'existent plus à l'école, alors, les jeunes imposent leurs propres moralités sur tout et partout. L'avenir est de plus en plus incertain, et ce n'est pas avec leurs mentalités que les choses vont changer. (Je vais encore passé pour un vieux c...) Belle journée Amitiés Daniel |
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lefebvre |
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