Le cocon expire des vapeurs de mots acides. De ces vapeurs naissent l'encre sur le papier désincarné, défaussé de son âme, la concrétisation imparfaites de mes pensées ruminées, et la fausse jouissance d'une illusion de création. Du cocon naît l'anodin, déguisé en art. Comme si, lorsque je narre, je change le porc en daim.
Et voilà des phrases fatiguées. Voilà. Des phrases sans goût. Seul vestige de mon talent fondu, plombé ; ces phrases qui ne savent plus parler. Je regarde le ciel et n'y vois qu'un brouillard. Je regarde les yeux sans comprendre leur voix. J'en viens à me peindre poète maudit, Baudelaire à sa fenêtre, à la table une bougie ; je me crois Mallarmé, faisant de mon obscur la lumière sous mon poignet, l'espérance grotesque qu'un souffle saura le sublimer ; je me rêve Rimbaud, figure mes sens flotter, se poser, insolubles, sur les voyelles indissolubles de mes fleurs désorientées. Apollinaire sans pont, Hugo sans Aube et Molière sans bouts rimés ; illuminations sans ombres et sans nécessité.
Je torture le temps et presse chaque morceau d'inspiration pour en tirer le lait ; mais c'est le laid qui sort, et tourne jusqu'à pourrir dans mes jours éclatés. A dessiner pour de faux un coeur sur le plafond. A sculpter sur les murs des promesses pour demain, de l'abscons sous mes mains, des engagements de plume qui brûlent aux premières secousses. Et tout brûle avec, se recouvre de lierre et de mousse.
Plume molle hier, morte demain. Mon rein beau, je le noie, et, soûl, regarde le vide, attiré, me voit jouer au beau de l'air pour oublier que mes mots sont mal armés. Vers l'aine un souvenir de mon âge avancé ; appeau linéaire pour retrouver mes pensées, et quitter mes maux passants. Un avion vol : Terre ! Je les entend crier. Et moi je baye aux corneilles, je prends racine et saborde ces lignes que je ne pondrai jamais, de peur de leur nuire et des les faire pleurer. Mal ; rauque voix dans l'ego, crachant sur les miettes d'écrits dont je me nourris sans foi ; cent fois j'ai rêvé d'être plus beau que je ne crois. Résolu, mon esprit dévale et rit, chute et s'amuse, mauvais diable, folie sans fureur et sans relief. Crie et hurle, jusqu'aux mers lointaines : “Je suis faiseur d'images, et magicien des mots !†Et jette l'impossible à la merci des flots. Et promet, et défie, défile en soubrette, prostitue mon talent, fut-il futile, fait défiler les mets et met l'attente en bouteille. Des notes pour plus tard. Des notes pour quand mon corps sortira du plumard. Des semblants de morceaux d'or, matériaux de merveilles, qui fondent quand je dors d'un sordide sommeil.
Inertie. Aux cris promesses et défis, répond l'inertie. Temps gâché. Mélancolie. C'est pour bientôt depuis longtemps. Mais les crocs des écrits sont croqués par les ans. Dents d'enfants substitués aux muscles adolescents. Demain n'est jamais ; demain est hier sans l'accomplissement. Hier est le beau qui n'est pas arrivé, et qu'avant de construire, j'ai réussi à dévaster.
Ne reste qu'un fragment de futur sacrifié.
Un cocon déconstruit dont rien ne peut naquir
Ne reste qu'un espoir d'un déchu souvenir
Des morceaux écrasés du jouet qu'on m'a confié
Écrit par light and shadow
La citation est le refuge de ceux qui ne savent pas penser par eux même
Catégorie : Triste
Publié le 08/11/2017
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Bravo ...la magie des mots est vraiment réussie ... Amitiés |
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Yuba |
Merci à vous... Amitiés poétiques |
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light and shadow |
Bravo à vous ! Vous avez écrit votre "Nuit de l"Enfer" rimbaldienne en diable, en y semant ça et là des jeux de mots qui convoquent les poètes qui ont su mettre des vers sur des maux : Charles, Arthur, Stéphane, Guillaume, ils se reconnaîtront... Du coup, votre poème est très dense, mais il se lit cependant aisément. Des textes comme celui-ci, j'en redemande ! | |
jacou |
Je vous remercie pour cette comparaison (un tantinet trop flatteuse !). Heureux qu'il vous ait plu ! En espérant que ce poème ne souille pas la mémoire des auteurs que je cite ! |
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light and shadow |
Pour souiller, il faut blasphémer, ou franchement ne pas être le moins du monde à la hauteur de qui on invoque, or vous soutenez bien la comparaison avec des auteurs de poèmes en prose, et l'on sent que vous avez lu les Anciens avant de vous lancer dans la quête de votre écriture... | |
jacou |
Je vous remercie ; cependant, j'en suis encore loin. J'ai certes lu ces auteurs, mais ma plume les effleure à peine. Je n'ai pas beaucoup lu Mallarmé et Apollinaire ; les citer tout de même, n'est-ce pas les souiller un peu ? |
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light and shadow |
Souiller, le mot est fort. Mais si vous n'avez guère lu Mallarmé et Apollinaire, alors les citer c'est s'avancer en besogne et s'aventurer vers des terres inconnues : je vous en souhaite bonne lecture ! Mallarmé est une mine d'or pour tout poète amoureux des vocables et des vers harmonieux, et Apollinaire un poète musicien de premier plan ! | |
jacou |
Je vais les lire très vite, alors, afin de rattraper cette anticipation (d'autant que vous renforcez mon envie de me pencher sur leurs oeuvres !) Je vous remercie énormément ! |
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light and shadow |
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