Un brin de muguet **

Dix heures vont s'afficher à l'horloge du métro,
Qui avale sans pitié de sa bouche vorace,
Tous ces gens trop pressés, qui vont incognitos,
Disparaître sans plus, libérant cette place.

Assis à une terrasse je contemple l'harmonie,
De ce cadre merveilleux de bosquets et platanes,
Où un kiosque à musique remplit de mélodies,
Sommeille dans l'attente des fidèles mélomanes.

Rien de tel ce matin dans ce havre de verdure,
Si ce n'est que le chant des pierrots de Paname,
Qui pépient bruyamment, cherchant leur nourriture,
En grattant un crottin fixé au macadam.

Un ciel azuréen se découpe au feuillage,
Qui nous laisse filtrer des rais ensoleillés,
Emaillant de son bleu cette voûte d'ombrage,
Oasis de fraîcheur sur les bans esseulés.

Qu'il est bon d'être là, de goûter la quiétude,
De ce doux paradis en plein cœur de Paris,
Il prodigue son calme, tout comme un interlude
Qui viendrait nous l'offrir en divine symphonie.

Nous sommes le premier Mai, sur le trottoir d'en face
Une table garnie de bouquets de muguet,
Exhalent des effluves aux senteurs vivaces,
En fleurissant les mains et ornant les gilets.

Une volée de pigeons en bruyantes roucoulades,
S'abattent sur l'herbe qui entoure un vieux banc,
Sur lequel une femme, lasse de sa promenade,
Se repose en jetant quelques grains de froment.

C'est à ce moment là, habillée de satin
Qu'elle apparaît en fleurs éclosent du printemps,
A la silhouette gracile d'un tout petit trottin,
Casquée de cheveux d'or qui ondulent sous le vent.

Elle s'approche du square la démarche légère,
Son regard de saphir semble chercher quelqu'un,
Un sourire malicieux fait battre ses paupières,
Lorsque seul sur un banc, elle le découvre enfin.

Elle se hâte vers lui en gracieuses enjambées,
Puis s'unissent un instant d'une discrète étreinte,
Effleurant de leurs lèvres le doux verbe aimé,
Bercés par la musique d'un orgue et sa complainte.

La place a succombé de son charme désuet.
Adieu ces belles années d'insouciante gaieté,
Où un peu de soleil et un brin de muguet,
Egayaient le décor de cet amour fané.

** André le 20 juin 1992 **