Au soin du soir je laisse assécher l'eau des vases
Lilas et rose eurent lieu, dont les liens s'évasent
Respirer le bonheur est un acte de foi
Toute saveur en vie nous emporte autrefois
Lors la femme avait l'heur de plaire en sa beauté
Aujourd'hui blessée par l'homme et sabotée

Sur le pas de la porte un serveur évasif
(C'est moi, et, jardinier, j'ai pris grand soin des ifs)
Se souvient des plaisirs distribués par sa reine
Qui se tord à présent en douleurs souveraines
D'autres cordes encor sont pendues à mon arc
Tenir une maison fait de moi son monarque

Mais, je suis un tueur, j'ai mission de chercher
Les fauves sauvages, chats salement perchés
Ayant violé mon cœur que la pudeur ne nomme
Depuis longtemps déjà, ils n'ont plus renom d'hommes
J'accomplirai bientôt la vengeance d'ange
Angélique est ma sœur, je ferai ma vendange

Pour l'heure, heureuse, elle est dehors, et moins peureuse
Sort depuis peu sans heurt, matinale pleureuse
La rosée et la ma rose ont conjoint leurs parfums
Près du taillis des ifs reposent nos défunts
Frère et sœur, furent tués ici nos deux parents
Par des Allemands soûls, sans remords apparents

Je vais donner la mort, être à mon tour en ivresse
Français, soyons vainqueurs, la Résistance presse
Mon embuscade est prête et mon arme chargée
J'étais jardinier, mais mon âme a bien changé
Déjà la guerre, à l'Est, les colonies enflamme
J'irai en l'Indochine où l'on plante des lames

(Voici le contexte : les Allemands sont vaincus en 1945 en Alsace, tandis que l'Indochine se libère de l'occupant japonais, mais les Vietnamiens veulent leur indépendance, et c'est le début de la guerre d'Indochine, où les soldats français doivent s'engager ; contrairement à la situation de la guerre d'Algérie où le contingent, c'est-à-dire tous les jeunes hommes, sera appelé.)