Me voilà à la villa perle d'automne
Maison de retraite aux allures bourgeoises
C'est un grand domaine en pleine nature
Néanmoins je suis seule et loin des miens

Pourquoi m'a-t-on placée dans cet endroit sans âme
J'ai toute ma tête je boitille seulement à cause de mes quatre-vingts printemps
Ma petite chienne mon amie n'est plus toute jeune non plus
Depuis treize ans que nous vivons ensemble va-t-on la laisser s'éteindre dans un placard à l'abri des regards

Je m'enfonce dans un grand couloir blanc on dirait un hôpital
Pensive Je suis l'infirmière qui au bout me désigne ma chambre
Vous avez de la chance me dit-elle vous êtes au sud
Et nous venons de la repeindre en vert

Je n'ai pas envie d'entendre ces paroles de bienvenue
Elles me semblent dénuées de sens
Ma détresse est si grande que mes yeux commencent à larmoyer
Pauvre de moi que viens-je faire dans ce bateau au milieu de l'océan

Je vois déjà mon avenir écrit en lettres noires parmi ceux qui ont le mal de mer
Comment pourrais-je nager pour rejoindre la terre mes vingt ans se sont envolés depuis bien longtemps
Pourvu que cette maladie qui erre dans l'air n'altère pas ma bonne humeur et ma soif de liberté
Je ne veux pas me retrouver comme une vieille branche ballottée par les flots en attendant de couler au fond de l'eau

On m'a dit que j'aurais une nouvelle famille
Que je serais gâtée choyée mais je ne désire pas cette vie-là
Ma plus grande joie revoir mes petits-enfants sourire
Ma tendre et douce gaufrette poser ses pattes sur mes genoux

Quel bonheur de marcher à pas lents Lelong des chemins de traverse bordés de fleurs sauvages
D'écouter le rossignol et les merles moqueurs
De soigner mes rosiers afin que leur beauté fleurisse mon jardin et embaume mon cœur
C'est tous ces petits riens qui font que la vie est belle

Je vous en prie ne me laissez pas avec ces gens muets
Si vous m'aimez un tant soit peu
Ramenez-moi vite dans ma demeure
Ici ce n'est pas de vieillesse que je succomberai mais d'ennui que je mourrai