Le maître du temps voudrait que je succombe à ses avances
Mais je ne suis pas pressé d'éteindre ma lumière
Je m'en vais de ce pas donner à mon compère l'almanach du facteur
Ça le distraira des idées noires qui trottent dans sa tête

Regarde mon brave Léon ces giboyeurs
Celui de gauche te ressemble avec sa trogne rougeaude
Quand tu chassais le lièvre ce dernier avait déjà détalé lorsque tu appuyais sur la détente
Grand bêta que j'étais je t'imaginais maladroit alors que tu refusais de le supprimer

Ma vanité m'empêchait de voir la réalité
Le fils du châtelain et celui de la chambrière ça n'allait pas de pair
Ton froc réformé nourrissait mes fausses idées
J'étais jaloux de ta liberté et faisais tout pour te provoquer

J'appréciais ta bonne humeur que rien ne semblait entamer
Combien se seraient mis en colère de mes amères railleries
Toi tu me regardais sans broncher la tête relevée
J'admirais ton comportement mais refusais de le reconnaître

Tes mots me faisaient saliver mais ton langage m'était interdit
Alors qu'en catimini certains notables riaient de leurs douteuses plaisanteries
Aujourd'hui j'aime les utiliser car ils s'apparentent à notre passé
Mon âme ne trouvait pas le repos alors je suis rentré au bercail

Dès que tu m'as aperçu ton visage s'est éclairé d'un large sourire
Ta poigne s'est posée sur mon épaule
Tes yeux m'ont fait signe de me taire
Tu n'avais gardé nulle rancœur contre ce galopin qui naguère se gaussait de toi

Tu étais loin d'être un couard comme certains le prétendaient
Avec bravoure tu défendais les plus démunis
Voilà que tu bayes aux corneilles mon aîné va donc te mettre au pieu
Quelques rondins de châtaignier garderont ton feu bien chaud

Il y a beaucoup de frimas ce soir il faut que je me remue un peu
La nuit va bientôt enjamber la colline
Je risque de m'affaler dans l'ornière et me retrouver la croupe par terre
Bon mon vieux à la revoyure