Indéfectiblement, il bat dans ma poitrine,
Dans un rythme seyant à mes activités :
Souvent au petit pas, patient, sans se presser,
En prenant tout son temps, on dirait qu'il lambine !
Ses premiers battements remontent aux années trente,
Oû en venant au jour, pour la première fois,
Ce cœur balbutiant, allez savoir pourquoi,
M'a valu d'entamer une vie innocente
Plus tard, en grandissant, quand les premiers émois
D'amourettes naissantes me tenaient en haleine,
Il battait la chamade à l'aune de mes peines,
Quand l'objet du désir se dérobait à moi…
Et tout en découvrant les plaisirs de la chair,
Les premières extases, en mon sang bouillonnant,
Mon cœur, à l'unisson des sens exacerbés,
Au bord de l'explosion, ne pouvait plus se taire !
Dans des deuils éprouvants, ce cœur inconsolable,
Saignant au plus profond de mon corps à la peine,
Trouvait encore la force, semaine après semaine,
D'apaiser les chagrins les plus considérables
Et fort heureusement, quand les joies étaient vives,
En battant follement, il était plein de liesse,
Lorsque rasséréné, systoles en allégresse,
Ce cœur se contractait de façon excessive !
Les années ont passé, mon cœur, imperturbable,
Après ces coups du sort, tout comme au premier jour,
Propulse encore mon sang, sans le moindre recours
A un médicament aux vertus secourables,
Dans mes vielles artères, quelques peu encrassées,
Où mon cholestérol le laisse encore passer
Ce tic tac entêtant, sans lequel, aujourd'hui,
Je serai bien en peine de saluer cet organe,
N'a jamais, jusqu'ici, connu la moindre panne
D'où je pourrai tirer un simple discrédit.
Pendant combien de temps, ventricules, oreillettes,
Aorte et veine cave, me maintiendront en vie,
Nul ne peut le savoir, s'il leur venait l'envie
D'aspirer au repos, ô combien légitime
Comment m'y opposer ? Et quand ce jour poindra,
Lorsque mon cœur ardent, hélas, s'arrêtera,
Je tirerai un trait sur ces ultimes rimes.