Père, c'est avec le cœur tout plein de tristesse
Que je soumets cette lettre à votre sagesse ;
Lettre qui résume de mon cœur tous les maux,
Lettre dans laquelle sanglotent tous les mots !

Père, Dieu sait qu'après lui, seul vous je vénère,
Et si mes mots venaient à vous mettre en colère,
Voyez-y les maladresses d'un jeune en pleurs,
Et non une intention d'irriter votre cœur !

Père, j'ai cessé de voir la douce Carine
Comme vous me l'avez fermement intimé,
Au fort prix de mon cœur à présent abimé,
Et troublant mes nuits de son sang qui dégouline !

M'ayant éloigné de ma charmante maîtresse,
Vous voulûtes agir pour mon plus grand bonheur,
Et ce tendre égard m'aurait empli d'allégresse,
S'il n'eût jeté mon cœur en proie à la douleur.

Père, en ces lieux où ma maîtresse n'est pas,
Plus aucune attraction à mes yeux n'a de charme,
Et l'herbe que foule mon flegmatique pas,
S'abreuve de la rosée de mes tristes larmes.

Quoi donc le péché de cette adorable fille
Que votre main repousse comme une damnée ?
Où là justice quand la fille est condamnée
Pour le sang qu'elle a hérité de sa famille ?

Père, au milieu des plus immondes pourritures
Poussent orgueilleusement de très jolies fleurs,
Et de tout Sang, même de mauvaises mœurs,
Peut naître une fille dotée d'une âme pure !

Cette amante que votre dure main m'enlève
Est la puissante sève qui nourrit mes rêves,
Et sachez bien qu'en mettant cet amour en terre,
C'est les sels de ma vie que votre main enterre !

Kamboinsin, Mai 2000