J'étais entré dans ce bar parce qu'il pleuvait, qu'il faisait nuit et que j'étais seul.
Un lieu apparemment désert. Je m'assis sur un tabouret au comptoir légèrement décalé par rapport à la barmaid qui essuyait des verres en rêvassant.
Je pouvais ainsi la regarder du coin de l'œil sans me faire remarquer.
Elle devait avoir la quarantaine florissante avec une poitrine bourgeonnante et plutôt appétissante. Ses cheveux noirs formaient un chignon à l'arrière de sa tête. Je commandais un whisky qui allait me brûler l'estomac. Je ne pouvais pas demander une limonade, question d'honneur. J'avais l'intention de la draguer et ça ne resta qu'une intention qui s'évapora bien vite comme un alcool trop volatil. Je lui dis quand même :
- Le bar est bien vide !
L'art de débiter des évidences.
Elle me dévisagea comme si je lui faisais une proposition malhonnête.
Elle était sous-jacente, c'est vrai, mais bien cachée dans ma tête.
- Non, regardez dans le coin au fond de la salle, il y a un consommateur fidèle.
Je me retournais, juste pour lui faire plaisir et j'aperçus un petit vieux d'une soixantaine d'années vêtu d'un imperméable d'un gris douteux.
Dans les yeux de la barmaid glissa un petit air de tendresse.
- Il vient là depuis vingt ans, c'est un habitué et n'allez surtout pas le déranger.
Je n'en avais pas l'intention, mais je voulus lui montrer que je m'intéressais à ce qu'elle me disait.
- Il a l'air bien triste !
- Oui, il est toujours comme ça ; un vieux chagrin d'amour, j'en suis sûre.
Je m'étais engagé dans une conversation hautement improbable.
- Et ici on l'a surnommé « le pianiste ».
- Le pianiste ?
- Oui depuis des années il pianote avec ses doigts sur la table. Il doit certainement composer une sonate dans sa tête, en souvenir de la salope qui l'a abandonné.
- Vous croyez ?
- Heu, je suppose ! Vous ne trouvez pas qu'il ressemble à Beethoven ?
Je répondis « oui » pour lui faire plaisir.
Elle soupira, ce qui fit gonfler sa poitrine.
Elle portait un wonderbra et j'attendais que ses tétons jaillissent du tissu.
Espoir déçu.
Je remarquai que la porte des toilettes était juste à côté de la table du vieux bonhomme. Je prétextai une envie pressante pour aller jeter un coup d'œil sur ce fameux pianiste. Il y avait devant lui le journal « l'Equipe » et juste à côté du cendrier, une boîte de médicaments sur laquelle je pus lire en vitesse « DEPRENYL ».
Je sortis rapidement des toilettes et je dis au-revoir à la barmaid. Elle me répondit :
- A bientôt !
Je pensai alors que tout espoir n'était point perdu.
De retour chez moi, curieux comme une scolopendre, je cherchais sur internet le mot DEPRENYL.
Et je lus :
« Ce médicament est préconisé dans le traitement de la maladie de Parkinson** ».
Mais peut-être était-il pianiste AUSSI ?
Écrit par virgile
On ne peut être poète sans quelque folie. Démocrite.
Catégorie : Triste
Publié le 05/10/2018
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Merci Virgile pour cette prose... bien mené le conte ! | |
Yuba |
Belle chute innatendue! merci de cette belle lecture | |
fee-de-ble |
Excellent | |
Errant |
J’etais dans l’histoire 👍 Très finement menée bravo ! |
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marieg |