Quinzième voyage

(Bruits de dinanterie : ambiance de souk)

Kan ya ma kane , fi kadi ezzaman ...

Il était une fois il y a fort longtemps. Il était une fois un artisan dinantier qui fabriquait toutes sortes de petits objets en cuivre. Il occupait  une toute petite échoppe dans notre  quartier Seffarine, près de la petite Médersa Attarine . Notre jeune artisan travaillait jour et nuit pour se protéger de la misère, du besoin et surtout des autres artisans plus prospères. Il travaillait , il travaillait  et se disait souvent : c'est vrai, je n'ai pas étudié mais j'ai le livre de la rue, le livre de la vie. Il ne me reste plus que le travail pour amasser quelque bien. Il travaillait et dormait peu, la misère flétrissait son visage autant que son âme.
_ Voici le pécule économisé peu à peu et par mon seul travail. Je te le confie, dit- il à sa femme. Il te fera vivre ainsi que notre enfant le petit Tiw-tiw pendant douze pleines lunes. Quand à moi, je pars sous d'autres cieux pour faire fortune.
Il remit à sa femme un pot de hbeq en lui disant : tant que cette plante restera verte  , c'est que je serai envie. Mais si ce basilic se fâne, alors épouse adorée, sache qu'un malheur était écrit dans mon destin. Sache que Dieu ne m'aura pas permis de m'enrichir. J'ai trop souffert de la misère dont nous sommes affligés.

( Musique triste)

Il prit la route du Soudan- l'ancien Soudan- le pays de l'or...
Plusieurs légendes parlent de l'or de Tombouctou l'opulente. Et dans Fès, on se souvient encore de Berka l'unijambiste qui ramena de cette ville ,au siècle dernier, douze chameaux chargés du précieux métal...

(Deff)

L'artisan dinantier mit quatre mois pour atteindreTombouctou.
Au cours de son long voyage, il ne rencontra qu'un léopard qui venait de nulle part.
Tombouctou, la ville de pisé où se dressent douze minarets qui portent les noms  des douzes compagnons du Prophète Sidna Mohamed. Enfin Tombouctou...

( Un comédien exécute une danse et un chant africain )

La tradition exige des étrangers de se présenter le premier jour devant le roi Fouta Gaolo Ahmadou Anta Tissa Moussa et de lui offrir un cadeau en signe d'allégeance.
Notre artisan était trop jeune, était très pauvre , très démuni pour offrir un cadeau au roi.

Que faire ? Quelle ruse employer ? Quel stratagème ?
Fuir ! Fuir Tombouctou ...
Trop tard . De solides gardes le ceinturèrent et le présentèrent au roi...

Fouta Gaolo Ahmadou Anta Tissa Moussa, était un superbe personnage à la peau d'ébène, sourcils brousailloux , dents proclives et oreilles rubissantes.
A son cou était suspendu un collier aux mille gri-gri et aux mille et une perles vivantes.

Fouta : qu'as tu à m'offrir étranger ?
L'artisan : moi ...je...c'est à dire...

Le pauvre dinantier tremblait de tous ses membres et fouillait au fond de sa maigre besace...Il n'avait  qu'une vulgaire lampe à huile ...qu'il tira et, trop heureux d'avoir quelque chose , n'importe quoi à offrir, il la tendit au roi.

( A suivre)