Autour du lit, un déluge de larmes humidifiait le sol. Certains n'arrivaient pas, malgré leur extrême concentration, à contenir leur enthousiasme ; d'autres, beaucoup plus fins comédiens, parvenaient même à faire couler leurs nez et rougir leurs yeux.
Jamais on n'avait vu une telle attention pour la dernière nuit d'un être humain ; et de monde ! Quel monde ! Des vieux hommes refoulés à l'entrée de la chambre du mourant s'agitaient en hurlant qu'ils étaient le mari trompé de Février 1972 et qu'ils avaient le droit, autant que quiconque, de saluer l'homme. Il y avait des épiciers de toute sorte, de tout canton, écrasés sous les ardoises laissées ; des longues femmes bâties comme des roseaux qui auraient avalé un ballon ; des petits patrons, bien sûrs d'être plus grands, des feuilles de compte à la main ; des chanteurs hués entonnant une version enjouée de « Ce n'est qu'un au revoir »â€¦

Le jour avançait ainsi, et le feu de la joie éblouissait l'homme mal en point. Les yeux fermés, le sourire aux lèvres, rien n'aurait pu égayer plus sa mort que de sentir l'importance qu'il avait pris, même à deux pas du cercueil. Et chaque seconde il savourait, il savourait de repousser indéfiniment la grande fête qu'engendrerait son trépas ; dernière crasse, peut-être la plus belle.
Au fil des heures, l'impatience avait gagné les veilleurs mortuaires, les larmes de crocodile ou les effusions de joie n'étaient plus que des regards bien approfondis sur la montre, et sur cette petite aiguille qui faisait finalement de bien mauvais tours.
Le soleil était déjà parti se reposer quand LE premier signe apparut : le futur ex-vivant avait toussé ! Le sabre à la main, la bouteille de champagne dans l'autre, le maire de la ville, rouge de bouffées de chaleur, se tenait prêt à saluer le départ du seul concitoyen capable de le rouler avec une adresse telle qu'il n'avait pu que s'incliner, en connaisseur.

Ce n'est que six tours de cadrans plus tard, la mousse au bord du goulot, que la bouteille fut ouverte. A l'heure où les étoiles semblaient vouloir se faire la belle, notre mourant se décida de les accompagner, pour se sentir moins seul.
Il y eut alors trois jours de fête continue aux quatre coins de la ville heureuse.

Écrit par Ole Touroque
http://badurkax0.blogspot.com
Catégorie : Divers
Publié le 09/05/2008
Ce texte est la propriété de son auteur. Vous n'avez en aucun cas le droit de le reproduire ou de l'utiliser de quelque manière que ce soit sans un accord écrit préalable de son auteur.
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Commentaires
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Posté le 09/05/2008 à 23:15:51
Tres recherché et bien ficelé jaime beaucoup !
Tsaro
Posté le 09/05/2008 à 23:51:37
Merci Tsaro
Ole Touroque
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19/04 08:58Sarahg
Ok.
19/04 08:56Plume borgne
J'ai pas dit le contraire
19/04 08:52Sarahg
Non, les destins peuvent être merveilleux.
19/04 08:50Plume borgne
Tout se résume au livre ivre d'une vie de givre
19/04 08:00Sarahg
Remarque, un livre où tout est déjà accompli, ce serait pas mal.
19/04 07:45Sarahg
Ce serait un livre douloureux. Un livre a besoin d'une histoire, de vie.
19/04 06:43Plume borgne
Imagine un livre d'une page dont le titre serait livre dans lequel il n'y aurait que le mot livre en préface en histoire et en résumé
17/04 07:42Sarahg
"C'est pas marqué dans les livres que l'plus important à vivre est de vivre au jour le jour, le temps c'est de l'amour..."
17/04 07:25Plume borgne
Les décisions sont un fléaux
17/04 06:51Sarahg
Indécis et ancré à la terre du destin.
17/04 05:00Plume borgne
Essaye d'imaginer quelque chose en étant le plus indécis possible
17/04 02:47Sarahg
Imagine qu'il n'y ait jamais de tristesse indicible
16/04 08:28Plume borgne
Imagine qu'on parvienne à tuer l'ennui
15/04 10:58I-ko
imagine qu'il n'y a rien à tuer ou à mourir
15/04 05:16Plume borgne
Pourquoi ne pas imaginer l'imagination ?
14/04 04:41Bleuet_pensif
Si seulement cette imagination était réelle...
14/04 04:31I-ko
imagine tous les gens vivre leur vie en paix
12/04 07:39Ocelia
Imagine les gens vivant pour maintenant, imagine si le paradis était un mensonge. Lennon
11/04 04:10Sarahg
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11/04 04:09Sarahg
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