Je n'aime pas les conventions
Me disait un lutin bougon
Je n'aime pas les sots usages
Qui imposent à l'archi-grand-duc
D'asseoir à gauche le premier page
Face à l'ambassadeur caduc

Je n'aime pas les phrases toutes faites
Bien trop lisses pour être honnêtes
Qui veulent qu'à chaque anniversaire
On assèche son vocabulaire
Et qu'on souhaite joie, santé, bonheur
Tiercé gagnant des serineurs

Je n'aime pas les fades clichés
Les scies de la place du marché
Qui conservent dans la saumure
Leurs simplistes caricatures
Et rendent la vie si commode
Que tout son éclat s'en érode

Je n'aime pas les vieux proverbes
Qui croient sonner comme du Malherbe
Et qu'on formule à contresens
Sur un ton d'ultime Aristote
Moi, j' te filerais une contredanse
A ces sentencieux qui radotent

Je n'aime pas le brave Panurge
Et son troupeau de vains ovins
Dont le bélier est le démiurge
Dont l'agneau est le séraphin
Et où tous les bêlants poussifs
Suivent le souverain poncif

Ainsi parlait l'aigre follet
Qui des conventions s'irritait
Qui fustigeait les plates convenances
De Suisse, de Belgique et de France
Certes, il n'avait pas vraiment tort
Même s'il criait un peu fort

Au moment de nous séparer
Il prit un air très inspiré
Et dit en me serrant la main
Salut, l'ami, porte-toi bien !
Alors, il s'aperçut, c'est bête,
Qu'il avait dit une phrase toute faite
Et pour s'excuser, balbutia :
Les Romains le disaient déjà