Première audience du procès engagé contre le poète Joseph Brodsky, accusé de « parasitisme social ».
Leningrad, le 18 février 1964.
LA JUGE : Quelle est votre profession ?
BRODSKY : J’écris des poèmes. Je traduis. Je suppose...
LA JUGE : Il n’y a pas de « je suppose ». Tenez-vous droit comme il se doit. Ne vous appuyez pas contre le mur ! Regardez la cour ! Répondez à la cour comme il se doit. Avez-vous un travail régulier ?
BRODSKY : Je pensais que c’était un travail régulier.
LA JUGE : Répondez avec exactitude !
BRODSKY : J’écrivais des poèmes. Je pensais qu’ils seraient imprimés. Je suppose...
LA JUGE : Vos « je suppose » ne nous intéressent pas. Répondez : pourquoi n’avez-vous pas travaillé ?
BRODSKY : J’ai travaillé. J’ai écrit des poèmes.
LA JUGE : Cela ne nous intéresse pas...
(traduit de l’allemand : https://www.zeit.de/1964/26/ein-dichter-ein-arbeitsscheues-element)
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Écrit par AdA
Mais avant de goûter
La chaleur de la chair Je veux être hébété D'esprit tranchant et clair Catégorie : Traduction
Publié le 08/02/2020
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On lui reproche d'avoir écrit et vécu de ses poèmes ...je suppose ? Merci Aubépin ! |
Yuba ![]() |
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Les dictatures, les sociétés totalitaires n'aiment qu'une chose : le travail, et la schlague ou le knout y pourvoient sur l'échine des pauvres hères. Un individu disait qu'une paire de bottes avait plus de valeur que toute l'oeuvre de Shakespeare, ce qui est monstrueusement avouer le peu de cas que font de la culture universelle et locale les disciples de Baldur von Schirach. André Breton rapportait que Saint-Pol-Roux, lorsqu'il dormait, posait sur sa porte un panneau : "Le poète travaille". Car le travail du poète est de créer, de dire ce qui est en puissance d'être, perdu sans lui. Merci AdA pour ce rappel que le poète est toujours soumis au décret platonien d'exclusion de la Cité bien policée. |
jacou ![]() |
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Bonsoir, Affligeant de voir que l'Ecriture ne paraissait ne pas être un Travail .. Apparemment ce Monsieur s'est fait tout seul .. qu'on aime ou pas ses Idées, son Travail, méritait il d'être persécuté ? ! Dans le Monde, y'a des gens qui font des "horreurs" et en sont jamais inquiétés .. Lys-Clea |
Lys-Clea ![]() |
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Malaura Et la page et le feu, et la meule et le grain, et le cheveu tranché et le fil de la hache, Dieu conservera tout ; et plus que tout, les mots de pardon et d?amour qui sont sa voix profonde. Le craquement des os, le pouls brisé, le choc de la pioche : c?est là leur scansion souterraine ; car si la vie est une, ils résonnent plus haut aux lèvres des mortels que dans l?ouate du ciel. Grande âme, à toi de par-delà les mers, Salut, Toi qui trouvas les mots, toi, ta mortelle forme dormante au sol natal, qui grâce à toi reçut en ce monde emmuré le don de la parole. (Poème dédié à Anna Akhmatova) |
marinette ![]() |
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@marinette (cela ne se voit pas, mais vous aviez été la première à "commenter" ;-) Le début du procès de Brodsky constitue un peu le pendant russe de l'Albatros, je trouve. Ce texte me poursuit depuis des lustres. Je crois l'avoir lu pour la première fois dans un livre d'Efim Etkind : j'avais été sidéré. J'y suis intuitivement revenu après votre Honhommatopic. Je connais très mal la poésie russe (et la poésie en général), mais Akhmatova me semble être une véritable une étoile brillant sombrement à son firmament. Merci pour ce poème, marinette. Oui, les mots et nos vies "résonnent plus haut aux lèvres des mortels que dans l'ouate du ciel". @Yuba. Oui, c'est exactement cela : il sera donc condamné à 5 ans de déportation pour "parasitisme social". jacou a parfaitement décrit le processus dans son commentaire. @jacou. Tout est vrai dans vos considérations si brillamment exposées et étayées (un plaisir à lire). Et pourtant, les dictatures et les régimes totalitaires, autocratiques ou autres du même tonneau s'abreuvent souvent dans vergogne aux sources de la poésie... @Lys-Clea. Les liens entre la poésie et travail (je crois, pour ma part, que la poésie, plus qu'un travail ou un loisir, est surtout une sorte d'inexplicable nécessité impérative - je n'ai pas vraiment les mots pour bien décrire mon impression). Oui il y a des gens qui font des horreurs et n'en sont jamais inquiétés. |
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