Je t'aime ivoire pur !
Ivoire pur, je t'aime !
Mais tu as le coeur dur
Malgré l'amour extrême
De l'auteur de tes jours.
Je voudrais que tu vives
Et non pas que toujours
Tes grâces soient rétives...
D'abord je t'ai voulu,
Tu n'étais qu'une idée.
Longtemps il m'a fallu
Penser ta nudité,
Afin de concevoir
Ce que je pouvais rendre,
Pouvais donner à voir
Au monde de plus tendre.
Tout le temps qu'il fallait
J'ai taillé dans l'ivoire
Ta belle peau de lait,
Cette peau qui m'effare...
Te voyant si parfaite
Je me sens triste, hélas !
Je te veux faire fête
Mais tu restes de glace.
Et lorsque sur ce sein
Charmant la main se pose
Rien ne cède au dessein,
Au désir tout s'oppose.
Tout, je donnerai tout
Pour que ce sein palpite,
Que sous ta peau, partout,
Le sang se précipite.
Oui tout ! Quoi qu'il en coûte,
Pour m'ôter cette fièvre !
Je voudrais que tu goûtes
Mes larmes sur ta lèvre,
Qu'enfin cède la chair
Sous ma douce caresse,
Que lentement dans l'air
Se déroule ta tresse.
Mais mon rêve est de pierre
Et, malgré mon amour,
Ignorant ma prière
L'ivoire reste sourd...
Mais je t'aime, ô sculpture !
Et jusqu'à l'heure blême,
Choyant ma créature,
Je polis mon poème.